Cet article fait partie du  Défi Numéro 2 : 7 jours de « musicals » (comédies musicales) en vidéo et en mode « ce que peut nous apprendre ».

Pippin est un musical de 1972 qui a remporté plusieurs Tony Awards (récompenses américaines pour le théâtre).

Écrit par Stephen Schwartz (Wicked, Pocahontas,…),  Roger O. Hirson et Bob Fosse (Chicago), cette comédie musicale a été la première à avoir été filmée sur scène. La mise en scène de cette adaptation vidéo est signée David Sheehan, et c’est cette version que j’ai vue.

L’argument en deux mots

Pippin est le fils de Charlemagne, dans un passé très fictif raconté par un Monsieur Loyal. Un peu perdu dans la vie, Pippin se met en quête du bonheur et du parfait épanouissement. Il passe pour ça par des étapes très contrastées de la vie, qu’il choisit systématiquement d’abandonner…jusqu’à ce que…

Je ne vais pas tout vous révéler, au cas où vous auriez la chance de le voir.

La force du récit

Il m’a toujours semblé délicat d’écrire une histoire qui se tient parfaitement en relatant « une quête ». Vous allez me dire, tous les personnages ont une quête dans la plupart des histoires (bon vieux schéma actanciel).

La nuance est à noter dans le mot « quête » tel que je l’entends ici. Ce qui m’embête souvent, c’est le cas où le héros de l’histoire est conscient de son objectif et recherche, à proprement parler, quelqu’un ou quelque chose.

Dans Titanic de James Horner, la quête du héros est d’arriver en Amérique, puis de sauver sa vie. Dans Harry Potter, la quête du héros est de « tuer le méchant » (oui bon, je résume). Dans le Seigneur des Anneaux, le héros Frodon doit sauver la Terre du Milieu en apportant l’anneau au Mordor. Cendrillon veut aller au bal. Le Petit Chaperon Rouge veut amener des galettes à sa grand-mère. Et cetera.

Dans Pippin, le héros est en quête d’épanouissement. C’est-à-dire qu’il est consciemment à la « recherche » de quelque chose. Quelque chose qu’il n’a pas. Même genre de recherche, par exemple, que celle du Saint-Graal; celles d’Indiana Jones; celle de Chantal Goya cherchant Mathieu qui s’est perdu; celle de Dorothy qui cherche le Magicien d’Oz, etc. Certaines histoires sont mieux construites que d’autres, c’est certain. Ce qui est sûr c’est que, personnellement, il ma toujours semblé qu’une telle recherche dans un récit passe rarement à côté de lourdeurs, ou du moins de lenteurs.

J’ai trouvé des lenteurs donc, dans le déroulé de l’histoire de Pippin. Mais comme dans beaucoup d’histoires écrites par des génies (je suis assurément fan de Stephan Schwartz), quelque chose vient « sauver » le récit. L’humour sauve Indie, les enfants sauvent Chantal, les allégories sauvent Le Magicien d’Oz, … et la forme sauve Pippin.

La forme de Pippin, ou le procédé de distanciation

Ce qui est extraordinairement bien fait dans cette pièce, c’est la confusion qu’installent volontairement les auteurs dans la tête du spectateur. Les personnages sont-ils joués par des comédiens…ou les comédiens par des personnages ?

Le Monsieur Loyal de la pièce n’est en réalité pas le seul à commenter l’action. Les autres personnages importants se permettent plusieurs fois des apartés au public, où ils s’expriment comme des comédiens en séance d’interview. Vous voyez ce que je veux dire, quand le journaliste pose une question à l’acteur sur le rôle qu’il joue et que celui-ci répond en « je ».

Comment Schwartz et Hirson s’y sont pris ? Ils partent du postulat de départ que l’histoire de Pippin est racontée au public par une troupe de cirque. C’est juste génial.

Je ne résiste pas au plaisir de vous livrer un extrait qui me plaît de la page Wikipédia sur la Distanciation au théâtre.

brecht

Statue de Brecht à Berlin

La distanciation est un principe théâtral lié au départ à la dramaturgie de Bertolt Brecht. Se positionnant à l’inverse du théâtre aristotélicien, le théâtre épique se fonde, selon Brecht, sur la distanciation (en allemand Verfremdungseffekt). S’opposant à l’identification de l’acteur à son personnage, elle produit un effet d’étrangeté par divers procédés de recul, comme l’adresse au spectateur, le jeu des acteurs depuis le public, la fable épique, la référence directe à un problème social, les songes, les changements à vue, etc. Ces procédés visent à perturber la perception linéaire passive du spectateur et à rompre le pacte tacite de croyance en ce qu’il voit (ce que Jean Ricardou nomme « illusion référentielle » pour le roman).

Je vous conseille de garder ce genre de techniques pour des élèves de plus de quatorze ans, environ. Une certaine dose de second degré et de profondeur de compréhension est nécessaire. Un bon jeu d’acteur aussi. En tout cas, si vous sentez que vous pouvez vous le permettre, n’hésitez pas. Effet garanti sur un public éveillé.

Inspirez-vous de l’un des thèmes

Un des thèmes abordés dans cette comédie musicale est …

« On ne peut pas plaire à tout le monde ».

Ce n’est pas le centre de l’histoire mais ce pourrait le devenir dans un spectacle que vous créerez avec vos élèves. Beaucoup de possibilités derrière cette phrase !

Inspirez-vous des libertés historiques

Charlemagne est le père de Pépin (dit d’Italie)… C’est peut-être la SEULE vérité historique sur le personnage de Pippin dans cette histoire.

Je ne suis peut-être pas assez documenté mais rien, dans la biographie de Pépin d’Italie, ne se rapproche du récit de la pièce.

Charlemagne

Buste de Charlemagne, trésor de la cathédrale de Aachen

Et pourquoi ne pas s’inspirer de ce genre de licence ? Voilà une idée qui pourrait entrer dans un cadre pédagogique plus complet qu’il n’y paraît ! Je lance un exemple, comme ça 😉

Vous enseignez la Seconde Guerre Mondiale à vos étudiants.
Le sujet du spectacle est « Et si la seconde guerre mondiale n’avait pas eu lieu » ?

Il faut une sacré dose de connaissances historiques de la part des élèves (avec votre aide, bien sûr) pour écrire un texte suffisamment documenté que pour être plausible. Serait-il encore loufoque qu’il pourrait être néanmoins intelligent et rempli de contexte. A vous de voir 😉

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« We’ve got magic to do »

magie

Y a-t-il des magiciens dans votre troupe/ vos élèves ? Je vous ai déjà parlé de l’importance de répertorier les forces inconnues dans votre groupe, notamment pour la danse. N’oubliez pas de demander s’il y a des magiciens parmi eux ! Cela peut assurément rehausser l’intérêt visuel de votre spectacle en un coup de baguette magique !

Mise en scène des scènes de sexe

A nouveau, si vos élèves ont un certain âge, ils apprécieront les scènes imagées, voire métaphoriques. Voici une belle façon de ne pas censurer le sexe de certains récits pour vos représentations.

Dans Pippin, le héros se retrouve au lit avec Catherine. Ils font l’amour. On ne voit rien. Du moins entre eux deux ! Rien ne bouge, ils sont sous la couette.

Ce qui se passe dans le lit, toutefois, est décrit visuellement par des danseurs en avant-scène. Ils sont sexys sans être provocants. La lumière change et les corps se touchent. Rien de vulgaire, même pas de coups de bassin ! Juste de la danse. Quand le couple arrive à ses fins sous les couvertures, les danseurs réussissent une belle figure de porté. Quand le couple rencontre des difficultés, les danseurs tombent à terre.

 

N’hésitez pas à me dire dans les commentaires si un spectacle vous a déjà beaucoup inspiré !

A demain 😉

Sébastien

***** Crédits photos

Brecht à Berlin : Rosmarie Voegtli
Charlemagne : Etienne Bres
Magie : Dana