Je viens d’assister à un petit spectacle d’élèves, un spectacle court, simple et bien ficelé qui ne donne pas le temps de s’embêter. J’ai voulu en savoir plus sur la naissance de la pièce, une adaptation du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry… Je me suis donc faufilé dans la salle après la représentation pour rencontrer Sophie, qui se trouve être une amie.

Cet article se découpe en deux parties : d’abord l’interview, ensuite les enseignements à tirer de ce spectacle et de la façon de faire de Sophie. Bonne lecture 😉

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Sophie est une jeune enseignante pour le niveau maternelle, issue de la ville de Liège en Belgique. Elle n’a pas encore de poste bien à elle dans un établissement (on le lui souhaite) mais enseigne de toute façon, puisqu’elle donne, par exemple, des cours de théâtre au Théâtre Le Moderne de Liège. Les « Ateliers », comme on les appelle, concernent les enfants de 6 à 18 ans et même les adultes. Sophie s’occupe surtout de la première tranche d’âges. Voyez plutôt :

Sébastien
Sophie, bonjour ! Peux-tu expliquer à nos lecteurs ce que l’on vient de voir ?

Sophie
C’est le spectacle de fin d’année des ateliers du samedi, donc des enfants de 6 à 9 ans. Bon, maintenant les plus petits ont sept ans…

Sébastien
Oui parce que c’était le spectacle de l’année passée, donc, en juin 2016 et nous sommes en septembre. Une reprise pour « faire la publicité » de la rentrée, je crois. Ça parle de quoi, ce spectacle ?

Sophie
Le Petit Prince. C’est l’histoire du Petit Prince. Ils n’ont pas joué toute l’œuvre évidemment parce que c’est un peu long pour des petits.

Sébastien
C’était un spectacle de combien de temps ?

Sophie
Une demi-heure. J’ai personnellement réadapté l’histoire en m’inspirant du dessin animé.

Sébastien
Du dessin animé ?

Sophie
Dans le dessin animé, c’est l’aviateur qui, devenu plus vieux, raconte à la petite fille sa rencontre avec le Petit Prince.

Sébastien
C’était déjà une adaptation, donc ?

Sophie
Oui. Je me suis donc inspiré de ça pour la partie où on voit un grand-père et ses petits-enfants.

Sébastien
Tiens, et pourquoi ton grand-père était joué par une fille ?

Sophie
Parce que je n’avais pas assez de garçons ! (rires)

Sébastien
Pourquoi pas une grand-mère alors ?

 

Sophie
Parce que je voulais garder l’aspect « aviateur » de l’œuvre originale, donc un homme.

Sébastien
D’accord. Pas mal d’affairement quand même dans les moment d’entre-scènes; du décor à déplacer ; à installer ;… J’ai vu aussi que tu avais la chance d’avoir des enfants qui soulèvent les décors et les accessoires avec toi.

Sophie
Ils étaient très débrouillards et investis tout au long de l’année, c’était chouette avec ce groupe.

Sébastien
Dès six ans, tu leur demandes déjà de bouger les décors ?

Sophie
Je ne leur ai même pas montrés : ils sont venus d’eux-mêmes ! Ils savaient ce qu’il y avait à faire.

Sébastien
Est-ce qu’ils savent que ça se fait parfois comme ça dans le monde professionnel ?

Sophie
Je ne leur en ai pas parlé. L’an dernier, nous étions deux, ma collègue et moi, pour changer les décors. Aujourd’hui, j’étais toute seule. Ils ont pris l’initiative.

Sébastien
Est-ce que tous ces décors et les costumes ont été confectionnés pour l’occasion ? Ou est-ce que c’était dans les bacs, dans le stock du théâtre ?

Sophie
Beaucoup de récupération. Le globe, l’arrosoir et le livre ont été fabriqués.

Sébastien
Un livre très bien fait, d’ailleurs. Un grimoire ! Comment est-il fait ?

Sophie
C’est du carton plume.

Sébastien
Juste des morceaux de carton collés ?

Sophie
Oui, juste des morceaux de carton collés.

Sébastien
Même les pages, sur le côté ?

Sophie
Oui oui. Il est vide à l’intérieur. La conceptrice est une amie de ma mère.

Sébastien
C’est super bien fait, dis donc. Et ce spectacle d’une demi-heure, ça t’a pris combien de temps pour le monter ?

Sophie
Ils ont reçu le texte juste avant les vacances de Noël.

Sébastien
Donc deux heures, une fois par semaine, de décembre à juin c’est-à-dire à peu près six mois. Et là, pour cette reprise, combien de répétitions ?

Sophie
On l’a fait en trois répétitions.

Sébastien
Comment les jeunes ont-ils accueilli l’histoire du Petit Prince ? Comment leur as-tu fait découvrir ?

Sophie
Je leur ai fait écouter l’œuvre. Il existe un livre audio, qui ne reprend pas tout le livre écrit. Pendant qu’ils écoutaient, ils se passaient le livre pour regarder les images et s’inspirer de l’univers. Je les ai également invités à regarder le dessin animé et la comédie musicale chez eux. (NDLR : de Richard Cocciante)

Sébastien
Ils l’ont fait ?

Sophie
Certains m’ont dit qu’ils l’avaient fait dès la semaine suivant la demande. C’est trouvable sur youtube.

Sébastien
Ils ont vu les deux, comédie musicale et dessin animé, ou ils ont préféré s’orienter vers l’un ou l’autre ?

Sophie
Le dessin animé. (rires)

Sébastien
S’ils avaient super accroché sur la comédie musicale, tu aurais pu les faire chanter ?

Sophie
Non, parce que moi-même je ne sais pas les faire chanter.

Sébastien
Ils ne l’ont pas demandé après avoir vu la vidéo ?

Sophie
Non, j’ai même proposé, pour rire, à une petite qui avait fait un stage de chant de chanter son texte. Elle a fait « non non non non non » (rires)

Sébastien
Et toi, qu’est-ce qui t’a donné l’idée de reprendre Le Petit Prince ?

Sophie
J’adore depuis toujours. J’ai toujours voulu monter ça avec des enfants, et même, pourquoi pas, avec des adultes plus tard.

Sébastien
Tu pensais qu’une demi-heure, c’était le maximum pour des enfants de cet âge, ou tu es arrivée à une demi-heure par la force des choses, avec ce que vous avez construit ?

Sophie
Je me suis rendue compte qu’on arrivait à une demi-heure. J’ai fait ça en écrivant des scènes courtes, pour qu’il y ait de l’alternance et qu’ils aient tous à peu près la même quantité de texte sinon, chez les enfants, si l’un a une phrase de plus que l’autre, il y a des jaloux.

Sébastien
C’est vrai ? C’est pour ça que tu avais deux Petits Princes alors ?

Sophie
Oui, si je n’avais mis qu’un seul petit prince…

Sébastien
C’est les parents ou les enfants qui amènent ce genre de jalousie ?

Sophie
Grande question. Parfois, ce sont les enfants seuls. L’un d’eux m’a dit, en recevant son texte : « J’ai quand même pas grand chose à dire  et les parents ne l’avaient pas encore vu. Quand il a dû l’étudier, là, il m’a dit « Ça va, j’ai assez ! ».

Sébastien
Atelier théâtre, ça veut dire qu’on travaille le jeu d’acteur, j’imagine. On travaille la diction, le « parler ». Est-ce que ce genre de pièce uniquement parlée est possible à monter dans une école primaire ?

Sophie
C’est tout à fait possible, oui. Tout ce qu’on a ici sur scène du théâtre peut être mis dans une salle de gym, une salle de spectacle.

Sébastien
Et comment devrait s’y prendre un instituteur ou une institutrice pour le faire ? Comment ils peuvent partir d’un texte et l’adapter ?

Sophie
Pour moi, c’est mieux de le faire avec des enfants motivés plutôt qu’avec une classe complète. Un atelier théâtre à l’école, par exemple.

Sébastien
Ça ne marcherait pas avec toute une classe ?

Sophie
Si on n’a pas des enfants motivés pour ce genre de texte, j’ai peur que ça ne fonctionne pas fort fort.

Sébastien
D’accord. Leur conseillerais-tu d’adapter le texte pour avoir le nombre de personnages qui correspond au nombre d’élèves ?

Sophie
Ici, c’est ce que j’ai fait. Il y a normalement plus de personnages dans l’œuvre. Le grand-père les cite.

Sébastien
C’est intéressant ça : tu t’es servie du discours du grand-père qui raconte son jeune temps pour glisser les personnages que tu n’as pas pu illustrer ?

Sophie
Oui, on essaie de compléter l’histoire comme ça.

Sébastien
J’ai vu que tu avais une régie, aussi. Des changements de lumière, de la musique. Comment as-tu choisi la musique pour les entre-scènes ?

Sophie
C’est mon gros problème parce que je ne sais jamais choisir. C’est mon papa qui m’a proposé ces musiques. On a du Jean-Michel Jarre et … une qui s’appelle Calypso… je ne sais plus (rires).

Sébastien
Pour revenir à l’instituteur/trice, est-ce que tu penses qu’il ou qu’elle doit commencer en septembre le travail sur la pièce ou plus tard dans l’année, par exemple au mois de mars, 3 mois avant le spectacle ?

Sophie
Il y a les deux discours. Il pourrait très bien faire ça toute l’année et décider que le vendredi après-midi est consacré au travail sur la pièce. S’il commence en mars, il peut monter un projet de classe autour du Petit Prince : les enfants peuvent faire leur décor, aborder d’autres leçons mais en lien avec Le Petit Prince, rester à fond dedans.

Sébastien
Par exemple compter les étoiles et les additionner, comme dans la pièce ?

Sophie
Voilà.

Sébastien
Des projets pour l’année qui vient ?

Sophie
Je reprends les ateliers mais je ne sais pas encore ce que je vais faire. On a, en fait, un projet commun avec les autres ateliers (NDLR : autres tranches d’âges) donc on doit se mettre d’accord entre collègues.

Sébastien
Vous avez encore le temps, j’imagine…

Sophie
On a le temps mais il faut quand même choisir, adapter, … On essaie généralement que les enfants reçoivent le texte en décembre.

Sébastien
D’accord. Eh bien merci Sophie et bon travail pour la suite.

Que peut nous apprendre l’expérience de Sophie ?
Je vous propose d’extraire quelques passages 🙂

  • 6 à 9 ans : une demi-heure de spectacle.
  • Je me suis rendue compte qu’on arrivait à une demi-heure.
  • tu t’es servie du discours du grand-père qui raconte son jeune temps pour glisser les personnages que tu n’as pas pu illustrer ?
  • COMBIEN DE TEMPS POUR LES 6-9 ANS.
    • On peut se dire que c’est peu, mais c’est suffisant aux enfants pour être bons et aux parents pour être fiers. Tout le monde ne fonctionne pas comme ça, mais rappelons que les 100% de ce spectacle sont parlés (pas de danse, pas de playback, pas longs moments de silence ou de musique). A six ans, du reste, on se déconcentre plus vite qu’à neuf ; il faut prendre tout le groupe en compte.
    • Sophie ne s’est pas mise de pression : elle n’a pas visé une demi-heure de spectacle : elle est simplement arrivée à ce constat en travaillant. C’est l’une des deux méthodes. Si au contraire, vous voulez atteindre un certain timing, la préparation en amont sera plus grande, ou alors les adaptations en cours de travail seront plus nombreuses. Pour un texte parlé, sachez qu’un truc utilisé par les professionnels est de calculer le timing dès la première lecture. Les comédiens sont assis autour d’une table et lisent simplement leurs lignes. Chronométrez cette séance, adaptez au besoin (si les enfants ont des difficultés à la lecture à vue, par exemple) et basez votre travail là-dessus. Il est toujours temps, à ce moment-là, d’apporter quelques modifications.
    • En raccourcissant l’histoire, vous pourriez avoir besoin d’évincer des personnages. Soyez très prudents en ce faisant pour ne pas supprimer des éléments importants du récit. Si jamais certaines actions doivent être connues du spectateur, utilisez les dialogues des personnages restants pour les citer.


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  • pas joué toute l’œuvre évidemment parce que c’est un peu long pour des petits.
  • J’adore depuis toujours.
  • CHOISISSEZ UN THEME QUE VOUS AIMEZ, ADAPTEZ AU BESOIN

N’hésitez pas à choisir l’œuvre que vous AIMEZ. Si vous êtes passionné, vous transmettrez cette passion à vos élèves. Si l’œuvre est trop longue, ne reportez pas trop au lendemain (avec une autre classe, avec des élèves plus grands, etc.)… à force de reporter, vous ne finaliserez peut-être jamais votre projet.

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  • Une demi-heure. J’ai personnellement réadapté l’histoire en m’inspirant du dessin animé.

Voilà une façon parmi d’autre pour adapter. Basez-vous sur une version déjà adaptée et déjà plus courte. Renseignez-vous pour les droits d’auteur de cette version, le cas échéant.

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  • Pourquoi pas une grand-mère alors ?

Deux choix quand vous n’avez pas l’enfant qu’il vous faut (genre, par exemple) : une fille à la place d’un garçon (ce qu’a choisi Sophie pour respecter l’œuvre), ou une nouvelle adaptation (pour chercher la vraisemblance dans le visuel).

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  • des enfants qui soulèvent les décors et les accessoires avec toi.
  • PENSEZ AUX ENFANTS POUR VOUS AIDER

Ne vous dites pas qu’ils auront trop à penser : ils sont nombreux et apprennent le métier 😉

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  • La conceptrice est une amie de ma mère.
  • C’est mon papa qui m’a proposé ces musiques.

COMPTEZ SUR VOS PROCHES ET PENSEZ À DÉLÉGUER

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  • Donc deux heures, une fois par semaine, de décembre à juin c’est-à-dire à peu près six mois.
  • COMBIEN DE TEMPS POUR MONTER UN SPECTACLE ?

Cela dépend de chacun. Ici, il s’agit d’une pièce parlée qui se montait tous les samedis, pendant 6 mois. Si on retire les vacances, les absences inévitables de certains élèves certaines semaines, les arrivées tardives potentielles et les échauffements à chaque début de leçon, 6 mois peuvent passer très vite. SOYEZ DONC PRÉVOYANTS surtout si les enfants ont beaucoup à faire/retenir.

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  • Je leur ai fait écouter l’œuvre.
  • DIVERSES FAÇONS DE FAIRE DÉCOUVRIR UNE ŒUVRE AUX ÉLÈVES
    • Avez-vous pensé aux
      • Livres ?
      • Livres d’images ?
      • Livres audios ?
      • Comédies musicales ?
      • Dessins animés ?
      • Films ?
      • Adaptations ?
      • Séries ?

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  • Oui, si je n’avais mis qu’un seul petit prince…
  • Quand il a dû l’étudier, là, il m’a dit « Ça va, j’ai assez ! ».
  • ESSAYEZ DE NE PAS FAIRE DE JALOUX
    • Plus votre spectacle se voudra « professionnel », plus il y a de chances que chaque rôle soit joué par une seule et même personne. Si vous n’aimez pas l’idée d’avoir « deux petits princes », par exemple, choisissez soigneusement votre spectacle et si besoin, adaptez.
    • Si les jalousies ressortent quand même, tentez en tout premier lieu de justifier vos choix par rapport aux capacités de retenir un long texte, et aux facultés de concentration. Dites bien aux élèves et aux parents que ce n’est pas grave de ne pas être en permanence au devant de la scène, les rôles dits secondaires sont tout aussi importants à l’histoire pour qu’elle fonctionne.

 

 


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  • Pour moi, c’est mieux de le faire avec des enfants motivés plutôt qu’avec une classe complète.
    • On l’a vu avec l’école communale d’Engis (dans cet article), ce n’est pas l’opinion de tout le monde. Mais vous aurez eu le mérite d’y penser : si vous doutez des capacités de votre seule classe, par exemple, lancez-vous dans le spectacle de toute l’école, regroupant les élèves motivés de toutes les classes ! Les autres élèves pourront toujours faire un pas de danse sur une musique qu’ils aiment.

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  • Il pourrait très bien faire ça toute l’année et décider que le vendredi après-midi est consacré au travail sur la pièce. S’il commence en mars, il peut monter un projet de classe autour du Petit Prince : les enfants peuvent faire leur décor, aborder d’autres leçons mais en lien avec Le Petit Prince, rester à fond dedans.
    • Voilà deux solutions pour les instituteurs/trices : commencez votre projet assez tard dans l’année et faites-en un projet de classe, ou alors consacrez un moment « spectacle » dans le semaine et ce tout au long de l’année.

 

 Quelques photos du show

 

J’espère que cet article vous a donné quelques idées ou réflexions.

Et si vous ne connaissez pas encore Le Petit Prince (whaaaat?), bon allez vous êtes pardonnés. Il est toujours temps de se rattraper 🙂

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A bientôt,
Sébastien

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Crédits photos :
dessin : etringita
éléphant : ihougaard
figurine : Yohann Legrand
figurine 2 : Mad Mou
lectrice : drip&ju
renard : Betty Nudler
avion : José María Pérez Nuñez
sculpture : Anna Boursy
antoine : Monceau
rose : MissMayoi
billet : Rubyran
marseille : marcovdz