Bonjour à tous !

Ça y est ! Premier spectacle scolaire mis à l’honneur sur ce blog ! Dans cette nouvelle catégorie, je vous fais part des mes impressions quant aux spectacles que j’ai pu voir en direct. Je tenterai, comme d’habitude, d’en extraire essentiellement ce qui peut vous aider à créer vos propres shows avec les élèves.

En route pour l’école de Clermont !

Mise en situation

Mise en situation : cette école située près de Liège (Belgique) a l’habitude de monter des « comédies musicales », au sens large du terme puisqu’elle a déjà présenté Mamma Mia et Grease, par exemple. Ce sont les élèves de 4èmes, 5èmes et 6èmes (9-11 ans) qui s’adonnent à la performance.

L’un de mes amis enseigne dans cet établissement. C’est lui qui m’a parlé des comédies musicales annuelles et ça a évidemment titillé ma curiosité. Au début, je lui ai dit Waouw, comment vous faites ça ? Comment vous intégrez ça dans vos cours, dans le programme ?

Ben oui, c’est un IMMENSE travail que de monter un spectacle où l’on chante, danse, joue la comédie. Vous le savez sans doute.

J’ai appris une seconde plus tard que les élèves ne chantaient pas. Finalement, je me suis dit que c’était normal. Après tout, je suis professeur de musique, chef de chœur et je trime déjà pour obtenir des résultats valables avec mes petits choristes.

Cela m’a rappelé que moi-même, quand j’étais enfant, je montais sur la scène des « fancy-fair » pour des playbacks. En fait, le plus souvent, on se contentait de danser. Une fois en particulier, j’ai fait en plus bouger mes lèvres. J’étais en 6ème primaire et j’incarnais… Non, ne riez pas ! … J’étais l’un des 2be3. (Ouuuuh y’a du dossier. Si vous êtes sages, je vous en reparlerai 😉

chef-de-choeur

Playback

Un spectacle playback, donc ! Une bonne idée à retenir. Ne pas se mettre la pression avec du chant est le meilleur cadeau que l’on puisse se faire (à soi et aux élèves) quand on gère des classes de primaire. Une scène chantée requiert souvent l’intervention d’un(e) professionnel(le) de la voix, ne serait-ce qu’à une répétition, pour ne pas faire faire n’importe quoi aux petites cordes vocales des écoliers, souvent très sollicitées et mal utilisées en cour de récré.

Eh bien, on est surpris, par moment, par ces petits bouts et leur lipping (synchronisation labiale). Comme souvent dans le playback assumé, c’est en exagérant sans gêne que l’on touche le public. Je dois dire que le petit Roméo était particulièrement bon à cet exercice.

chat-ouvre-la-bouche

 

Applause !

C’est incroyable à quel point le fait de présenter les choses de façon « faussée » par le playback, modifie les réactions d’applaudissements des spectateurs !

Parfois, l’applaudimètre fonctionne comme en live, parfois absolument pas.

D’une manière générale, vous devez retenir que si vous voulez que le public applaudisse les chansons (playback ou pas), vous devez marquer les fins !

En gros, un public c’est timide, et ça a besoin de comprendre qu’il peut faire du bruit. Montrez-lui dès la première chanson : changement de lumière, attitude figée et petit silence qui suit la dernière note. Plus la chanson fait appel à des techniques vocales impressionnantes et/ou plus elle est entraînante, mieux cela fonctionne.

 

Pour notre Ecole de Clermont, voilà ce qui s’est passé.

La première chanson, Vérone, finit de façon bien marquée. On s’attend à des applaudissements mais l’élève qui joue Le Prince de Vérone coupe court à toute envie de claque en lançant sa première réplique parlée à la seconde où la chanson se termine. Il le fait d’ailleurs très bien et si l’effet « enchaînons sans applaudissement » était voulu, cette technique très utilisée en comédie musicale tient sa promesse à 100 %. J’étais très impressionné.

L’ambiguïté de toute la suite du spectacle vient du fait que cette interruption s’est faite à la première chanson. Du coup, plus tard, les gens ne savent plus s’il faut applaudir ou pas, même après des chansons très entraînantes aux fins très marquées. Le public est pourtant rempli des familles des interprètes !

Je pense donc que le playback entraîne d’autant plus d’inconnues que le live. Je suis persuadé que pour certaines chansons, le manque d’applaudissement vient du fait que l’on n’entende pas la véritable voix des personnes qu’on a devant nous.

Si vous voulez en savoir plus sur le mécanisme de l’applaudissement, je vous invite à lire la page Wikipédia associée ou cet article intéressant du Huffington Post.

 

applause

Pour la suite, on va se lancer sur deux catégories principales : les « inspiration » et les « regard attentif« . Sans surprise, dans la première on verra les bonnes idées du spectacle; dans la seconde, les choses qui donnent à réfléchir (qui ne remettent bien sûr pas en question la qualité de la représentation de Clermont).

1. Inspiration

Voici une petite liste des ingrédients qui ont fait de ce spectacle une réussite. N’hésitez pas à vous en inspirer !

  • Un centre culturel

Une salle culturelle accueille le spectacle de l’école ! C’est fantastique pour les élèves et pour le public! Un travail de lumière peut être réalisé. Les parents sont bien assis. Ça ne paraît rien mais démarrer le show avec un effet lumière et la voix off du spectacle de Gérard Presgurvic, ça met tout de suite dans l’ambiance !

En plus des lumières, cela permet d’avoir un son de qualité et un régisseur qui, sur une machine faite pour ça, (c’est pas la concierge sur une chaîne hi-fi, quoi) baisse le son de certaines chansons au moment où les élèves ont des interventions parlées.

Conseil 1 : si vous le pouvez, évitez la salle de gym et ses bancs d’exercice. Investissez une vraie salle culturelle.

 

  • Inspiration directe

Le choix de l’équipe pédagogique a été de rester fidèle à la version professionnelle. On ne leur en veut pas : on sait déjà le boulot que cela représente.

L’avantage des comédies musicales de style français (Roméo, Notre-Dame, Roi Soleil, etc.), c’est qu’on a les chanteurs d’un côté et les danseurs de l’autre. Les uns sont là pour chanter, bouger et jouer la comédie; les autres dansent et parfois incarnent le chœur. C’est pratique pour vous : instantanément, vous voyez les indications que vous pourrez donner aux élèves non danseurs. Après, il faut parfois transformer certains passages. Les scènes très dansées dans le show original peuvent se modifier en mouvements de foules qui « occupent » la scène. Ces mouvements de foule étaient du plus bel effet dans la version d’Engis.

Conseil 2 : n’ayez pas peur des copier-collers

coffret-romeo-et-juliette

  • Que du playback ? Pas sûr…

Certains passages sont faciles à interpréter. La chanson d’ouverture, Vérone, est entonnée en direct par les élèves, par-dessus la bande. Ça ne choque pas et ça ajoute même de la vie à la scène. On aime !

Conseil 3 : n’hésitez pas à chanter sur la bande, sans micro, sans artifice. Vous pouvez même aller plus loin et jouer avec les conventions « live » et « playback ». On reviendra là-dessus dans un futur article.

  • Clappe et danse !

Faites d’une pierre deux coups et apprenez aux élèves une chorégraphie basée sur des claps dans les mains. C’est presque automatiquement une invitation au public à clapper avec eux ! Que demander de mieux ?

Conseil 4 : insérez par-ci par-là des « invitations aux claps » dans votre show.

  • Signe et danse !

N’est-ce pas une merveilleuse idée que d’enseigner la langue des signes aux élèves pour qu’elle devienne l’une des chorégraphies du spectacle ? La dernière fois que j’ai vu ça, c’était par les enfants du chœur Sotto Voce, à Paris. Effet garanti et pédagogie super intéressante ! Il faut dire que trois élèves malentendants sont en « intégration partielle » à l’école, et qu’on retrouve le personnage de « La Muette » dans le récit. Chapeau bas.

Conseil 5 : un peu de langue des signes pour varier la choré ? Ou tout votre spectacle traduit en langue des signes pour le public ? (On en reparlera dans un futur article)

Voyez par vous-mêmes comme ça peut bien donner

 

  • Ô Romeo, pourquoi es-tu si petit ?

Eh bien moi, quand on dépasse les clichés et qu’on choisit une grande Juliette et un petit Roméo, j’aime bien, na !

Pas vous ? 😉 (Article surprise plein de superficialité pour illustrer mon propos 😉

Conseil 6 : à bas les préjugés, soyons ouverts d’esprit 😉

 

  • Gardez les costumes !

J’ai été bluffé par le nombre de costumes du spectacle d’Engis. D’après les organisateurs, ils viennent tout à la fois de nouvelles créations et achats que de récupérations d’anciens spectacles. Eh oui ! Si vous mettez la troupe sur scène chaque année, il y a moyen d’accumuler une bonne quantité de tissu.

Conseil 7 : confectionnez, déléguez, achetez et surtout…stockez et réutilisez les costumes !

2. Regard attentif

C’est souvent ces petits « trucs » que l’on remarque en tant que personne extérieure qui permettent d’améliorer les performances. C’est en toute sympathie que je joue ici mon rôle d’œil extérieur, comme on l’appelle dans le milieu de la scène. A Broadway et ailleurs, c’est aussi à ça que servent les previews, les avant-premières pendant lesquelles le texte, les enchaînements, même les chansons peuvent encore changer, après avoir reçu les premiers avis du public.

(Un premier conseil : essayez toujours de faire voir votre spectacle à des « yeux extérieurs » avant le Jour J. Les personnes qui ne sont pas impliquées dans vos répétitions vous aideront précieusement en mettant le doigt sur les détails que vous ne pouvez plus voir après tant d’heures de boulot).

 

  • Coucou mamy !

C’est presque inévitable, les enfants sur scène scrutent la salle à la recherche de toute la famille ! OUF, quand ils ont trouvé leur tribu, les grands signes commencent. Si mamy répond, c’est gagné !

Beh oui, plus facile à dire qu’à faire.

Conseil 1 : rappelez sans cesse aux élèves qu’il est défendu de faire signe à mamy 😉

  • Putain de haine !

Méfiez-vous du vocabulaire des chansons.
Si vous les apprenez aux élèves, c’est clair que vous allez bien lire toutes les paroles. Si vous optez pour le playback, vous pourriez louper certains passages.

oh

 

Regardez-vous elle vous enchaîne
Cette putain de haine qui vous prend tout
Regardez-vous vous n’êtes rien
Que des pantins entre ses mains

On imagine qu’ici, les enseignants ont opté pour le respect de l’œuvre. Le choix est respectable, s’il est accompagné d’une explication sur le contexte. Trois autres solutions étaient possibles : sucrer la fin de cette chanson; la supprimer toute entière; ou encore, la plus délicate, toucher aux paroles concernées.

Conseil 2 : choisissez de respecter l’œuvre ou pas, en connaissance de cause.

 

 

  • Un régisseur plateau

C’est un gros mot pour dire : désignez toujours quelqu’un pour vérifier si la scène est en ordre. Le décor doit être bien posé, bien disposé. Les freins des roues doivent être vérifiés. Les accessoires doivent être placés. Ceci est d’autant plus vrai quand on a la chance de donner plusieurs représentations, comme l’école d’Engis.

Conseil 3 : vérifiez que les pendrillons (ou taps) soient toujours bien tendus, scotchés ou lestés pour cacher correctement ce qu’ils doivent cacher.

pendrillons

 

  • Fumée sonore

Je n’ai pas eu de chance, pour ma place assise. Même si je voyais très bien la scène, j’étais installé juste à côté de la machine à fumée, qui projetait vers la scène (mais depuis la régie, derrière le public) le brouillard d’ambiance.

C’est dommage car les enfants ne sont pas sonorisés et cette machine…fait quand même un peu de bruit. Bon, ça a dérangé les six personnes tout autour du dispositif,…mais c’est pas de chances pour ces dernières.

Conseil 4 : simplement éviter la machine fumigène dans le public.

 

  • Attention posture

Quand je disais qu’une intervention même ponctuelle d’un professionnel du chant était nécessaire ! Les enfants ont quitté une nouvelle fois le playback pour entonner un chant de groupe, dont je ne me souviens plus du titre.

Leur posture était celle-ci : debout, tête inclinée vers l’arrière, yeux vers le ciel.

A proscrire absolument. Petit rappel de la posture basique du chanteur (qui peut faire l’objet d’un apprentissage dans vos classes de tous les âges).

-Pieds écartés de la largeur du bassin
-Genoux déverrouillés
-Bassin bien positionné (ni trop en avant, ni trop en arrière)
-Nuque dans le prolongement de la colonne vertébrale
-Menton bien placé
-Front déplissé

 

Conclusion

Un bel exploit de l’école de Clermont. Menés par la passion de Charles Debatty, enseignant retraité qui s’occupe toujours des spectacles et les instituteurs/trices motivés (Thomas Jalet et Caroline Delincé), les élèves ont donné le meilleur d’eux-mêmes dans un spectacle « difficile ».

Le choix de cette comédie musicale est d’ailleurs étonnant. Comme le souligne Monsieur Debatty en fin de spectacle, on y trouve peu d’humour, peu de rires et beaucoup de lourdeur. Personnellement, je n’aurais pas opté pour ce spectacle avec des 9-11 ans (pas moins de six personnages meurent dans la pièce de Shakespeare!).

Pourtant, la conclusion de l’histoire (deux peuples font finalement la paix après s’être rendu compte que la haine engendrait beaucoup de morts) a trouvé une grande résonance dans l’actualité puisque le spectacle de l’école a été reporté d’un mois pour cause de risques d’attentats ! Cela a sans doute fait germer quelque réflexion dans la tête des jeunes écoliers.

Encore bravo à l’équipe et rendez-vous l’année prochaine à Engis pour un sujet un peu plus léger : les 1001 nuits 😉

Merci à l’Ecole de Clermont et Thomas Jalet pour l’accueil et les photographies

Sébastien

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Crédits photos
– Chef de choeur : nosha
– Chat qui baille : Ally Middleton
– Applause : Princess Theater
– Sièges : Delphine Queme
– Coffret Roméo et Juliette : Jean-Michel Royer
– Enfant surpris : Evan Long
– Pendrillons : Mop Plaud
– Ecole de Clermont, Engis : en provenance de l’école