Si vous créez régulièrement des spectacles avec vos élèves, vous avez probablement déjà entendu parler de la série télévisée Glee.
En effet, les héros de celle-ci sont des étudiants du High School, (15 à 18 ans, ce qui correspond au lycée en France, au secondaire supérieur en Belgique) s’impliquant corps et âmes dans leur chorale d’école.
Mais attention, pas n’importe quelle chorale ! On ne parle pas ici d’activité du mercredi après-midi donnée en guise de garderie à des ados en manque de collectivité… Il y a des concours régionaux, nationaux, … Ça ne rigole pas !
Quand on est fan de Broadway Musicals comme moi, c’est une série un peu immanquable, même si elle est parfois difficile à se farcir. En effet, outre les problèmes très spécifiques (et très chantants) des ados américains, l’histoire ne tient vraiment qu’à un fil.
Vous n’aurez, par exemple, aucun problème à dormir en attendant l’épisode suivant. Les amateurs de série qui ont connu l’avant streaming, l’avant dvd, l’avant binge-watching* me suivent 😉 Il est vrai que maintenant, peu de fans d’une série attendent une semaine (même une minute) avant d’enchaîner les épisodes.
* binge-watching : gavage télévisuel
Non, rien de tout cela dans Glee. Les histoires principales sont des amourettes, des ruptures, des quêtes d’estime de soi. Bon, j’avoue que je ne me base que sur les deux premières saisons que j’ai déjà délayées pendant 2 ans.
Heureusement, les « concours » de chorales pour lesquels il faut se préparer et l’indéfectible ambition de la prof de gym, Sue Sylvester, de détruire le Glee Club (là où ça chante, quoi) parviennent un tant soi peu à tenir l’haleine. Les personnages sont hauts en couleur et très caricaturaux, ce qui parfois donne l’impression de regarder un dessin animé. Pour ne parler que d’elle, la prof de gym (en fait, c’est l’entraîneuse des cheerleaders… ou pom-pom girls… ou meneuse de claque, comme vous préférez) incarne réellement la « méchante » de l’histoire, elle est aussi improbable que drôle qu’inattendue que machiavélique que…
Pas de coulisse !
Si je vous dis que la série ne vous aide pas, c’est parce que vous pourriez penser y trouver des méthodes de travail, des conseils de chant ou d’organisation de répétition. Que nenni !
Un peu à l’instar des séries de mes jeunes années où l’on ne voyait jamais les étudiants en classe, ni les adultes travailler à quelques exceptions près (Hélène et les Garçons ; Premier Baiser ; Le Miel et les Abeilles ; Dawson ; Friends ; je-continue-de-m’enterrer-ou-j’arrête-là?; …), on ne voit jamais les chanteurs de Glee en train de préparer leurs chants. C’est sûr que si on passait 40 minutes à les observer améliorer leur technique vocale, ça ne s’appellerait pas une série mais un documentaire et ça perdrait sans doute un peu d’audience…mais comme ça je vous aurai prévenu. Au bout de deux saisons, je n’ai pas entendu parler une seule fois des cordes vocales !
On rencontre donc des ingrédients qui sont à l’opposé de la pratique réelle de la scène et de la musique en collectif :
- Pas d’échauffement vocal
- Pas de travail du chant mais beaucoup de résultats. Mais en ont-ils besoin ? Dans chaque épisode, les jeunes disent qu’ils doivent travailler un nouveau chant et hop, la minute d’après ils le présentent devant le prof qui ne réagit généralement qu’en applaudissant bêtement. Jamais Will Shuester, le prof en question, ne donne un conseil technique à un élève, même le temps d’une seconde.Prenez les films Sister Act ! Au moins ils font un peu semblant de ne pas savoir chanter au début… ;)Dans Glee ça sonne tout de suite ! On s’étonne que la série ait relancé l’intérêt des jeunes pour le chant en 2010/2011 mais ce n’est pas étonnant : des résultats pareils sans travail ? Qui n’en voudrait pas ? C’est un peu le même principe que l’émission The Voice, où on ne voit jamais les « vrais coachs », les non-célébrités qui font vraiment travailler les candidats. A croire que le travail n’est pas télégénique. ( ?)À McKinley, le collège de Glee, les élèves cool prennent ceux de la chorale pour des loosers. Je demande à voir quelle école réagirait comme ça face à une dizaine d’élèves assez doués…que pour jouer dans une série télé ! 😉
- Les enregistrements sont faits studio. A chaque début de chanson, on perd d’autant plus le naturel du quotidien de ces étudiants tant on perçoit soudainement le son lisse et travaillé que le cast enregistre directement en studio (sans doute pour pouvoir immédiatement sortir le CD).
- Les voix sont lavées à grands coups d’auto-tune. Et ça s’entend !L’auto-tune est un procédé informatique permettant de corriger les notes un peu fausses lors d’un enregistrement studio.Ça ne veut pas dire que les acteurs ne savent pas chanter, ça veut dire que dans un souci de rapidité au tournage, on chipote peu sur la performance vocale que l’on corrige artificiellement. La technique est utilisée dans de nombreux albums avec parcimonie, mais quand on en abuse, les voix sonnent très artificielles. C’est un élément de plus qui me pousse parfois à passer des morceaux de chanson en lecture accélérée. D’autres effets sur les voix sont encore ajoutés ; je vous laisse juger par vous-même sur youtube.
- Les arrangements sont souvent mièvres.Bon, ça c’est un avis personnel, j’admets. Les harmonies vocales sont sans doute déjà bien suffisantes pour nos étudiants à nous. J Mais tous les chants remplis de tierces et de sixtes (on parle musique là*), c’est comme les pâtisseries au miel : après trois c’est l’écoeurement.
*La tierce et la sixte sont deux intervalles de notes, c’est-à-dire deux unités de distance entre deux notes. Par exemple, la différence de hauteur qui sépare le DO du MI est appelée une tierce ; le DO du LA (do, ré, mi, fa, sol, la), une sixte.
Outre l’aspect « chant », une dernière chose que j’aime moyennement dans la série :
- Cafouillage diégétique et extra-diégétique
La musique diégétique, c’est celle que les personnages d’un film peuvent entendre. Dans Glee, c’est celle que Rachel, Quinn ou Finn entonnent devant leurs camarades ou leurs profs. La musique extra-diégétique, c’est par exemple les basses que l’on entend dans un film d’horreur, au moment où la madame elle cherche l’entité qui fait rien que l’embêter dans sa maison. Le personnage, dans ce cas, n’entend pas la musique.
Les Monty-Pyton (l’humour anglais en général) joue beaucoup avec ces notions. Si la madame du film d’horreur ouvre un placard, elle trouvera un violoncelliste par exemple ! J’adore cet humour.
Dans Glee, on joue aussi…mais on perd souvent, je trouve. Parfois, un élève se met à chanter sa solitude dans un couloir de l’école, aucun élève ne se retourne (extra-diégétique : on peut penser que ça se passe dans sa tête, ou que c’est simplement un moment hors du temps), mais soudain les élèves du Glee Club apparaissent et interagissent avec leurs instruments. On n’est jamais certain que cela se passe réellement.
Pourquoi regarder alors ?
Il y a quand même des points positifs qui me tentent de continuer à regarder (à petite dose comme vous l’avez compris 😉 )
La série peut vous inspirer :
- Vous pouvez trouver des idées de chansons ! Parfois, vous découvrez des chants et vous vous dites « pourquoi pas ? »
- Chaque épisode aborde un thème spécifique qui peut retentir en vous. Par exemple : l’exclusion, les mash-ups, Madonna, Britney Spears, les duos, Noël, sexy, les rumeurs, etc.
- Les mash-ups peuvent vous inspirer. Le mix de Singing in the rain de la célèbre comédie musicale éponyme avec Umbrella de Rihanna peut vous insuffler de nouvelles idées de chansons qui, puisqu’elles partagent un même thème, pourraient se mélanger avec bonheur.
- Les chorégraphies peuvent vous inspirer. Si vous n’êtes pas une compagnie de danse, pas de tracas à vous faire avec les copyrights, surtout si les parents n’achètent pas leur place.
- Les stars de Broadway s’y côtoient.Si vous êtes fans des comédies musicales à l’américaine, vous serez comblés en croisant, au détour d’un couloir ou d’un cours d’histoire des guests comme Gwyneth Paltrow, Carol Burnett, Jonathan Groff, Kristin Chenoweth et bien d’autres, dont l’une des héroïnes du show : Lea Michèle.
Bref, c’est une série qui se laisse regarder, qui a eu son heure de gloire pour plusieurs raisons qu’on ne peut lui enlever et qui a favorisé un retour au chant et au chant choral chez les jeunes.
Sachez simplement faire la part des choses en tant que metteur en scène ou enseignant et distinguer la réalité du « show ».
Et vous ? Qu’en pensez-vous ?
Sébastien
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crédits photos :
affiche tv : lauredhel
banderole : gospelportals
Glee live : wdecora
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