Je ne pouvais juste pas m’empêcher de vous partager mon sentiment par rapport à cet article très intéressant que j’ai lu pendant mes vacances à Gran Canaria.

Je dois préciser que par intéressant, j’entends qu’il regroupe deux choses qui me sont passionnantes : le théâtre et la sociologie. Par ailleurs, ce genre d’études intéresse certainement aussi toute personne confrontée au public de théâtre : du producteur chevronné au public lui-même, en passant par l’artiste soucieux de comprendre en quoi son art se distingue d’un « produit marketing », et bien sûr par le chargé de communication.

Je vais en fait vous résumer un résumé. Je vous encourage à lire tout l’article, voire l’étude entière si vous avez le temps. Cela se passe ici, sur profession spectacle.

Il s’agit d’une thèse de 2018 de Aude Chabrier : « L’impact du digital sur le public de théâtre ».

L’article résumé la thèse en 7 parties.

1/7. Le profil type d’un spectateur
2/7. 
Les motivations du public
3/7. 
Le théâtre, une manifestation essentiellement collective ?
4/7. 
Liberté de création artistique et stratégies de marketing
5/7. 
État des lieux des stratégies digitales
6/7. 
Comment le digital change les habitudes des spectateurs…
7/7. 
Pistes et recommandations à l’attention des acteurs culturels

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Dans la première, on voit que le public type n’a pas vraiment changé en 20 ans. Vous la voyez ? Allez, je suis sûr que vous avez une idée. Une femme, de 35 à 50 ans, aisée et citadine … ? Ahah eh bien non ! Faisons tomber l’un ou l’autre cliché (moi je me suis fait avoir). Pas d’âge défini. Pas de genre défini. Citadin (et diplômé) par contre : oui. Voyez les détails.

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Le deuxième lien nous envoie vers la question « pourquoi » le spectateur se rend au théâtre. C’est drôle parce que… en plus de simplement aimer le théâtre, ce que je ne voudrais pas nier (il ne faut pas exagérer), la plupart de mes amis artistes vont aussi au théâtre pour …

  • soutenir leurs propres amis artistes ! Les encourager, les applaudir,
  • soutenir le secteur,
  • faire du « réseau » (le vilain mot, je sais) … mais c’est un fait plus que certain et pas que pour les artistes d’ailleurs. La troisième partie de l’article rappelle d’ailleurs que la tendance fait date : « Au temps de la Renaissance, les nobles allaient au théâtre non pas pour voir une pièce, mais pour être vus.« 
  • à quoi d’autre pensez-vous ?

L’article met en avant une notion qui m’est chère : celle du temps. Le temps de se rendre au théâtre (mais n’est-il pas le même pour un amateur de concerts ou de cinéma?), et le temps de la pièce (mais … pareil… ^^). Je n’arrive pas à souscrire totalement à l’explication mais peut-être bien à la suite : le fait que le spectateur va voir une pièce au moment où elle sort, c’est-à-dire dans la simultanéité de sa production et sa distribution… donc il ne sait pas exactement à quoi s’attendre. Ma foi, il existe de plus en plus de trailers/bande-annonces pour les spectacles théâtraux aussi, non ? Et les reprises permettent de se renseigner, d’être informé, de ne pas être pris au piège par un metteur en scène qui préfère garder le mystère quant aux interrogations qu’il veut imposer au mental du spectateur. Je ne souscris pas encore à 100%.

Aude Chabrier cite l’étude de Michelle Bergadaà et Simon Nyeck (Quel marketing pour les activités artistiques : une analyse qualitative comparée des motivations des consommateurs et producteurs de théâtre) où les raisons d’aller au théâtre seraient :

– le divertissement,
– l’hédonisme social (en gros, le plaisir d’être ensemble, de faire une activité collective : le seul fait d’aller voir une pièce à plusieurs peut augmenter la satisfaction de l’individu),
– l’enrichissement culturel,
– le moyen éducatif.

L’auteure balance le résultat de l’étude en amenant la question de l’information : qui a accès à l’information (quelles pièces, quelles durées, quels sujets, quels acteurs, etc.) peut choisir son divertissement en fonction de ses propres intérêts. 13,6% des non-spectateurs interrogés dans le cadre du mémoire déclarent ne pas aller au théâtre par manque d’information !


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Dans la troisième partie, Aude se demande si le théâtre n’est pas un événement collectif (mise à part la performance même des artistes).

Les spectateurs solitaires sont souvent des professionnels du milieu ou gravitant autour de ce secteur.

C’est pour ça, je pense, que j’ai parfois du mal à me projeter dans l’esprit d’un spectateur ponctuel, qui va au théâtre une fois l’année par exemple. Il y a deux ans (ou trois?), j’ai suivi une formation appelée NestUp, financée par la Wallonie, pour booster le démarrage d’une entreprise. J’avais en tête de monter ma propre société de production de spectacles. Nous étions une bonne trentaine avec des objectifs différents, assis autour des formateurs derrière des tables disposées en un grand U. Lors d’un exercice imposé où nous devions « nous mouiller », j’ai demandé à l’assemblée si certains allaient au théâtre plus de deux fois par an. Personne n’avait levé la main. Je me rappelle le choc que c’était !

Je pense que je suis tellement entouré d’artistes (et c’est évidemment le cas de mes réseaux sociaux algorythmés) ou du moins de personnes qui gravitent autour du milieu, que je ne parviens pas à me projeter complètement dans la peau d’un « non-spectateur ».

Bref. Est-ce que vous, vous allez au théâtre seul.e, par exemple ? Ou seulement accompagné.e ?

L’étude montre bien que la pratique collective est plus qu’essentielle dans le monde de la représentation théâtrale. Mais n’en va-t-il pas de même pour un bon resto ?

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Je vous ai parlé de la formation NestUp plus haut. Cette 4ème partie énonce EXACTEMENT pourquoi je me suis retrouvé face à un mur pendant celle-ci. Attention, rien à redire sur la formation en elle-même. Laurent Mikolajczak est au top pour expliquer ce qu’est le Lean Startup et te le faire mettre en route ! Mais concrètement, l’application au milieu théâtral n’a pas été si facile pour moi et voici la phrase exacte qui résume mon expérience d’alors, dans la partie 4 de l’article qui nous concerne :

Comme vu précédemment, le théâtre est un produit culturel avec ses spécificités propres et un rôle historique et social certain. La simultanéité des temps de production et de distribution d’une pièce demeure une de ces particularités. De plus, le théâtre se caractérise davantage comme une expérience que comme un service ou un bien utilitaire : en effet, le spectateur ne peut percevoir sa satisfaction qu’après une pièce. Cela arrive parfois même bien après lorsque, par exemple, un visionnage de film ou une lecture d’ouvrage résonne avec certains passages d’une pièce et vient, de ce fait, enrichir la satisfaction du spectateur. Au regard de toutes ces spécificités, établir une stratégie marketing pouvant répondre aux caractéristiques de l’industrie théâtrale, sans les modifier, représente un réel défi.

(…) L’artiste ne doit pas se sentir influencé ou poussé dans une direction spécifique par une étude de marché.

Paradoxal, non ? Parce que c’est pourtant ce qui arrive. Comment faire autrement ? Comment surmonter les difficultés énoncées ? Donner de l’information au futur potentiel spectateur ? De plus, moi qui baigne dans la comédie musicale, je connais bien les principes marketing des immenses maisons de prod. de New-York et Londres. Ce sont des machines de guerre… bien éloignées des petites formes, plus intimes, plus expérimentales, plus « libres », …

Je vous invite donc à lire cette partie si vous souhaitez explorer des pistes de solution.


5 et 6

Je me sens moins l’âme de commenter ces deux parties : état des lieux de l’utilisation du digital dans les théâtre, et comment le digital change les habitudes. M’occupant un peu de la communication pour un théâtre de Liège, Belgique, je prends des notes pour moi et mon job 😉 Je vous invite à faire pareil si vous vous sentez concernés par ces sujets.

Ce qui m’embête le plus (oui, je vais quand même commenter finalement), c’est le risque de la disparition des relations 100% honnêtes. Bon, on est dans la philo ici, plus dans les études sociologiques … mais je découvre depuis quelques mois maintenant le fameux Instagram… et chaque jour je suis étonné. C’est comme si tout ce petit monde ne parlait, n’échangeait, ne débattait, ne « storiait » que par intérêt, celui de « se faire voir ». D’ailleurs, n’y a-t-il pas un peu de ça dans l’envie de partager cet article avec vous ? Il faut être honnête… j’ai suivi une formation de blogging et aucune phase de celle-ci ne m’a dit « surtout, ne vous faites pas connaître ». Je m’évade… Revenons à nos moutons. La suite de ce débat autour d’un café si vous voulez 😉

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Des pistes pour répondre aux deux peurs essentielles du spectateur; celle d’y aller seul et celle de ne pas y trouver ce qu’il cherche.

Ah ! Les attentes du spectateur… Vaste sujet, non ? Je l’évoque un peu dans cet article de 2016. Si ça vous dit encore un peu de lecture.

Aude Chabrier cite des idées intéressantes, pas forcément nouvelles mais possiblement toujours innovantes. Vous, par exemple, quel est le titre du dernier livre que vous avez lu ? Du dernier film que vous vu ? Dites-le moi et je vous dirai quelle pièce aller voir. Elle conseille donc une application du bouche à oreille transposée aux réseaux sociaux via des interpellations plus ciblées que les catégories « comédie », « tragédie », « classique », etc. Qu’en pensez-vous ?

Fin

Voilà, c’était juste une envie de partage qui a rencontré, si vous êtes en train de lire ce dernier paragraphe, votre envie de lecture. Je reprends doucement de l’intérêt pour ce blog, sans savoir exactement où il va, ni pourquoi ni surtout à quelle fréquence je serai pris de pulsion narratrice. Je me laisse porter, en fonction du temps et des désirs. Je suis assis à une agréable terrasse de Maspalomas, Gran Canaria (je dois faire leur pub, ils sont sympas, proposent le wifi, des prises, une super paella et surtout leur café est bon ^^ : c’est la Casita Canaria, face à la plage).

Si vous m’avez déjà lu auparavant, vous aurez constaté que cet article prend quasi la forme d’un journal perso. Il parlera sans doute à un autre public que mes articles formels. Je vous laisse juger. N’hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé.

Des bises!

Sébastien

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