On l’a déjà vu avec l’interview de Sophie (Le Petit Prince au Théâtre de Liège), il est parfois nécessaire de rejouer un spectacle, plusieurs semaines/mois après sa création.

Pour Sophie, il s’agissait de jouer le spectacle de fin d’année de l’atelier théâtre dans le cadre de la Fête des Fous, une sorte de festival de quartier qui se tient en début de saison et qui tient lieu de « portes ouvertes » du théâtre.

Sophie avait décidé de reprendre le spectacle du Petit Prince tel quel. Mais ce n’est pas toujours possible. Voyons pourquoi.

reprise

Quelques changements liés à la « reprise »

  1. Le public peut être très différent

Je suis moi-même en train de « reprendre » un spectacle monté avec des étudiants du cycle supérieur en février/mars 2016. Plus de sept mois plus tard, les participants vont se présenter dans un festival d’humour, le VOO RIRE FESTIVAL en Belgique, à Liège.

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La joyeuse équipe de l’école HELMO, en exercice d’échauffement

Lors de la première édition du mois de mars, la salle était comble. Avec une petite vingtaine de jeunes gens sur scène, le public était constitué d’amis, de colocataires, de familles, de professeurs, bref… une audience dite « acquise ».

 

 

Mes collègues coachs et moi avions bien sûr visé « le maximum de résultat », que ce soit dans l’écriture, dans la mise en scène ou dans la composition et l’interprétation des chants. Nous avons donné du « challenge » à ces jeunes adultes. Ils étaient fiers et nous aussi.

Mais la vérité est là : le public qu’ils rencontreront le 22 octobre prochain au VOO RIRE ne sera pas aussi ouvert. À nous, en répétition, d’adapter le texte et de chercher à renforcer les faiblesses.

Pour cela, nous avons un trésor : une captation vidéo de notre première de mars. Mon conseil : prenez toujours la précaution de filmer vos spectacles ! On ne sait jamais : ça pourrait servir 😉 Et puis, cela vous fait parfois de beaux souvenirs 😀

 

Une fois le visionnage collectif effectué, nous avons commencé un travail d’analyse des scènes (préparez-le au préalable !, surtout si vous avez peu de temps) et d’adaptation, voire de réécriture. Notre mission : correspondre à l’attente d’un public de festival d’humour. Eh oui, c’est ça le plus important : l’attente du public. Dans notre cas, ce n’est pas un spectacle où l’investissement financier de l’école est mis en jeu mais l’investissement temps/énergie/égo des étudiants l’est bel et bien, lui.

 

Vous pouvez être repris…

 

  • par un organisme privé ;
  • par un festival ;
  • par une organisation de promotion des jeunes danseurs (ou autres) ;
  • par un spectacle inter-école ;
  • par un concours ;
  • par la même école : portes ouvertes ou simple reprise due au succès ;

 

Soyez donc toujours attentifs au style de pièce que s’attend à venir voir le public.

 

Le public choisit (ou pas), aime (ou pas), rit (ou pas), recommande (ou pas)

Le public choisit (ou pas), aime (ou pas), rit (ou pas), recommande (ou pas)

 

  1. Les conditions ne sont toujours les mêmes

 

Même si notre spectacle de mars avait déjà été écrit dans un style humoristique, l’humour était à retravailler, comme vous l’avez compris.

 

Parfois, d’autres éléments vont énormément intervenir dans les modifications à apporter. Vous n’aurez peut-être même pas le temps de vous repencher sur le texte, tant ces « détails » sont importants. Ils peuvent être :

 

    • Une nouvelle salle de spectacle ; a-t-elle des coulisses aussi larges que la première fois ? L’installation technique son/lumière est-elle du même acabit ? La jauge (nombre possible de spectateurs) est-elle différente ? Certains effets spéciaux sont-ils toujours possibles ? De combien de techniciens disposez-vous ? Combien de personnes vous aideront en coulisse pour les décors et les changements de costume ?

 

    • Une nouvelle salle de répétition ; dispose-t-elle aussi du wifi ? Y a-t-il des miroirs ? Le plancher permet-il de danser ? L’installation sono est-elle bonne ou même utilisable ? Y a-t-il des voisins à respecter ? Des horaires ? Des allonges électriques ? Des clés ? Une alarme ?

 

    • De nouveaux décors ; vous n’aviez jamais pensé reprendre cette pièce et le balcon en bois a fini dans le grand feu de l’été, avec la fausse fenêtre et les babioles du grenier. Vous avez rendu la vraie porte à votre beau-frère qui l’a posée dans sa nouvelle maison. Il faut tout refaire !Autre situation : votre décor était monumental et n’entre plus dans la nouvelle salle de spectacle, trop petite. Vous voudrez changer de visuel, utiliser davantage les lumières et les gobos (formes) pour illustrer les lieux de l’action, etc. Pensez aussi à l’audio pour suggérer un lieu.

salle-spectacle-cabaret

  1. Les interprètes ne sont parfois plus disponibles

Si vous travaillez avec de jeunes gens, c’est ce qui risque le plus d’arriver. Un tel a changé d’école, un tel sera en échange scolaire au moment de la reprise, un tel a perdu la motivation pour le théâtre, … Si les performeurs ne sont plus vos élèves, ce sera peut-être d’autant plus compliqué.

 

Le plus tôt possible, prenez la température et vérifiez que tous les participants seront à nouveau motivés et disponibles aux dates de spectacle et de répétitions. Si quelques personnages viennent à manquer et que vous n’êtes pas trop tard, vous pourrez modifier un peu le texte ou l’histoire, en amont des répétitions, pour vous aligner avec le nombre d’intervenants.

1 personne s'absente et tout doit être modifié, de la position sur scène aux tâches en coulisse, en passant par les micros

Une personne s’absente et tout doit être modifié, de la position sur scène aux tâches en coulisse, en passant par les micros

Un conseil (à adapter selon les situations) : si un étudiant est motivé et libre le jour du spectacle (voire la veille) mais à aucune des répétitions qui précèdent (que vous en fassiez 3 ou 5 ou 10), dites-lui que malheureusement ce ne sera pas possible de le réintégrer à l’équipe. Bien sûr, vous pourrez tout faire pour lui trouver une petite place au sein de son ancienne « famille de scène », mais plus son rôle sera important, plus vous serez coincés dans les possibilités d’adaptation. Au mieux, trouvez une tâche qui ne demande pas de répétition, une responsabilité connexe du spectacle par exemple.

Reprendre un spectacle qui a bien fonctionné est avant tout une marque de confiance de la part d’une personne ou d’un organisme. Faites passer le sentiment de gratitude dans votre groupe. C’est une chance de rejouer un spectacle qui, souvent, n’aurait été donné en public qu’une ou deux fois. Vivez le moment et l’opportunité !

Bonne chance à vous!

 

 

Sébastien

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Crédits photos :
Reprise : Jason Taellious
Salle comble : Dru Bloomfield
Salle de cabaret : Ville de Malartic
Théâtre 15 personnes : Andy Bowman