Cet article fait partie du  Défi Numéro 2 : 7 jours de « musicals » (comédies musicales) en vidéo et en mode « ce que peut nous apprendre ».

 

Faut-il encore présenter Notre-Dame de Paris ? La comédie musicale qui a relancé le genre en France, dès septembre 1998 ? L’histoire basée sur le livre éponyme de Victor Hugo est rythmée par les chansons de Richard Cocciante et Luc Plamondon. 1482, Quasimodo le bossu de Notre Dame, vit en haut des tours de la cathédrale dont il sonne les cloches. Lors d’une désobéissance à son maître l’archidiacre Frollo, il se retrouve dans la foule de la Fête des Fous, où il s’éprend de la bohémienne Esmeralda…

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Un « sung-through musical »

En anglais, c’est comme ça qu’on définit une comédie musicale dans laquelle on chante tout du long, ou presque. Dans NDP, les « chansons » (mélodies) se suivent ou sont dissociées par l’insertion de « récitatifs » (quelques mots sur quelques notes, pendant un court moment).

D’autres comédies musicales bien connues utilisent le principe du « sung-through » : Cats, Evita, Jesus Christ Superstar, Les 10 Commandements, Miss Saigon, Starmania, etc.

Premier choix à faire en tant que monteur de spectacle :
allez-vous garder le « tout chanté » ?

Vous gardez le « tout chanté »_MG_5975

Première conséquence : vous ne pouvez plus envisager un spectacle en playback. En effet, cela voudrait dire que votre troupe ne ferait jamais usage de la parole. Or, un spectacle musical où on n’entend jamais la voix des comédiens, c’est un peu dommage.


Deuxième conséquence
: vous alourdissez le show. Dans mon entourage proche, je compte beaucoup d’amateurs de comédies musicales. Croyez-moi, j’ai entendu de nombreuses fois les gens se plaindre de spectacles entièrement chantés. Les gens s’ennuient plus vite dans Cats et dans Les Parapluies de Cherbourg que dans beaucoup d’autres spectacles pour la seule raison qu’on n’y dit pas un mot non chanté.

Cela ne veut pas dire que c’est mauvais. J’ai déjà parlé du droit du spectateur de s’ennuyer pendant un long spectacle : on ne peut pas toujours tenir 2h30 assis sur son siège sans penser à autre chose.  Toutefois une chose est sûre, c’est que le « poids » de la musique est plus oppressant quand on ne « respire pas » avec des moments parlés.

C’est d’autant plus vrai pour deux raisons. La première c’est que, si l’on réussit à s’ennuyer dans un long spectacle professionnel, mettez-vous à la place des spectateurs de votre spectacle amateur. Deuxième raison, c’est qu’il s’agit d’une œuvre où l’humour n’a pas beaucoup de place. Attention au poids du « sérieux » si vous choisissez une œuvre telle que Notre-Dame. Autant la version dessin animé de Disney s’est permise de nombreux sketches (heureusement pour les enfants), autant notre comédie musicale n’a rien de drôle. Comparez donc la Fête des Fous pour voir :

Pas gai gai, quand même, hé ?

 

Si vous ne gardez pas le « tout chanté »

Plusieurs possibilités s’offrent à vous ! Vous pouvez soit écrire du texte entre les chansons préexistantes, soit dire les paroles de certaines chansons au lieu de les chanter. Vous pouvez aussi combiner ces deux techniques.

Dans Notre-Dame de Paris, on trouve beaucoup de « chansons de contexte », où l’on installe une ambiance, une situation. Ce sont autant de numéros que vous pouvez transformer en texte parlé. Bien sûr, à ne pas faire avec les « tubes » que le public attend. Ne récitez pas « Le Temps des Cathédrales », par exemple, de peur de décevoir le public dès les premières secondes du spectacles !

 

Raccourcir

C’est un long spectacle. Comme déjà dit, il n’est que chanté. N’hésitez pas à couper par-ci par-là si vous désirez respecter certains impératifs (âge des interprètes, tradition pour la longueur du spectacle annuel, …).

Les chansons de situations et certaines chansons qui expriment des émotions peuvent tout à fait être raccourcies. Exemple : voici les paroles de « Florence », qui certes apporte un contexte historique très intéressant, mais qui n’apporte rien à l’histoire principale.

[Frollo] :
Parlez-moi de Florence
Et de la Renaissance
Parlez-moi de Bramante
Et de « l’Enfer » de Dante

[Gringoire] :
À Florence on raconte
Que la Terre serait ronde
Et qu’il y aurait un autre
Continent dans ce monde

Des bateaux sont partis déjà sur l’océan
Pour y chercher la porte de la route des Indes

[Frollo] :
Luther va réécrire le Nouveau Testament
Et nous sommes à l’aube d’un monde qui se scinde

[Gringoire] :
Un dénommé Gutemberg
À changé la face du monde

[Frollo] :
Sur les presses de Nuremberg
On imprime à chaque seconde

[Gringoire] :
Des poèmes sur du papier
Des discours et des pamphlets

[Les deux] :
De nouvelles idées
Qui vont tout balayer

[Gringoire] :
Les petites choses toujours viennent à bout des grandes
Et la littérature tuera l’architecture

[Frollo] :
Les livres des écoles tueront les cathédrales
La Bible tuera l’Église et l’homme tuera Dieu

Ceci tuera cela

[Les deux] :
Des bateaux sont partis déjà sur l’océan
Pour y chercher la porte de la route des Indes
Luther va réécrire le Nouveau Testament
Et nous sommes à l’aube d’un monde qui se scinde

Ceci tuera cela x2

Vous pouvez raccourcir de plusieurs façons

  • parler au lieu de chanter (sans répéter systématiquement les refrains)
  • supprimer tout bonnement une chanson
  • couper dans une chanson pour n’en garder que l’essentiel (pour le faire proprement, rapportez-vous à l’article « Comment faire des montages audio gratuitement et proprement ? »)

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« Dance through »

Bon, c’est moi qui invente…mais c’est vrai ! On danse presque tout le temps dans cette comédie musicale « à la française ».

Cela amène deux idées.

  1. La bande son du spectacle pourrait servir entièrement à un spectacle de danse, sans autre tracas de mise en scène. Évitez toutefois la redondance de la version parisienne (courir, danser, sauter, se jeter, tourner; courir, danser, sauter, se jeter, tourner; courir, danser, sauter, se jeter, tourner…) Je vais me faire des amis, moi. 🙂 ahah
  2. Si vous montez la « comédie musicale » telle quelle, demandez-vous comment occuper la scène si vous n’avez pas ou peu de danseurs.
    1. Quels mouvements ?
    2. Quelles lumières ?
    3. Quels déplacements pour les rôles chantés ?

Cette deuxième idée est aussi valable pour la mise en scène. Les décors du spectacle parisien sont minimalistes mais énormes. La « comédie musicale française » est avant tout un grand concert avec recherche d’esthétisme. Comment allez-vous remplir l’espace ? Assumez le même genre de choix : des accessoires (à la mesure de votre spectacle) que vous suspendez, portez, poussez, faites rouler, … Ou assumez l’inverse : c’est tout à fait possible d’opter pour plus de réalisme. Si, par exemple, vous n’avez pas les moyens d’illustrer Notre-Dame avec d’immenses cloches, un ou deux bancs (piqués dans la salle de gym) et des gens qui prient à genoux feront l’affaire.

 

Expliquez le casting

auditionsEsmeralda : belle femme bohémienne, séductrice.
Frollo : archidiacre grand et froid, rigoureux comme la religion.
Phoebus : beau soldat, aimant les femmes et épris d’Esméralda autant que de Fleur de Lys.
Quasimodo : le bossu horrible qui sonne les cloches.

Quelles explications allez-vous donner à l’élève choisi pour jouer Quasimodo ?

Peut-être sa voix, si vous vous y connaissez un peu et que son timbre peut coller au personnage sans qu’il ne se fasse mal en utilisant une mauvaise technique vocale.

Peut-être son jeu de comédien ? Peut-être sa capacité à faire des grimaces ?

S’il est adulte, moins de précautions à prendre. Avec l’âge, les gens assument (souvent) leur physique et savent à peu près où ils se situent sur les échelles de beauté des magazines. Il existe d’ailleurs un vrai business d’agences de casting pour les personnes aux « beautés non conventionnelles ». Un mec de 1m60 et un peu rond pourra gagner mieux sa vie qu’un modèle musclé, en jouant le jeu des personnages qu’on lui attribue.

En tout cas, une chose est certaine, soyez attentifs à la façon dont vous annoncez le casting. N’hésitez pas à parler en privé avec votre élève bossu si vous remarquez qu’il se pose des questions.

 

Trop de guitare tue la guitare

Alors là, je vais juste donner mon avis personnel…mais il y a un moment où je dois mettre la vidéo en pause tant je fais une overdose d’accompagnement de guitare. Les chansons se suivent et l’orchestration ne change quasi(modo…désolé) pas. Bon d’accord, il y a de la cohérence…mais une ou deux chansons sans guitare, zut, ce n’est pas trop demander ? 😀

Heureusement, il y a de la recherche musicale et la plupart des textes sont bien écrits, mais tout ça reste très « simple » dans l’écriture.

On en retient deux choses :

1. Pour le spectacle scolaire, c’est bien que ce soit simple. Écoutez « Belle » cinq fois et vous le connaissez par cœur.

2. Pour les oreilles du spectateur, variez les accompagnements si vous avez la chance d’avoir des musiciens live. Si vous n’êtes pas musicien vous-même, faites-leur part de vos envies de metteur en scène. Dites-leur ce que vous voulez : ils vous diront si c’est possible.

 

Et voilà pour le numéro 4 de ce défi « 7 jours de musicals » en mode « ce que peut nous apprendre ».

Et vous, avez-vous déjà monté Notre-Dame de Paris ? Quels étaient vos choix ?

Sébastien

 

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Crédits photos
Ombre du bossu : Ricky Brigante
Gargouille : Mister_Jack
Peinture de gargouille : Charles W. Bailey Jr.
Auditions : duluoz cats