La poire coupée en deux consiste à lui donner un prompteur à lui seul !
Certains rôles vous permettront en effet de glisser un livre dans les mains du personnage, ou un journal, une revue, etc. Il s’assied à un bureau ? Une petite fiche avec des notes sera très discrètement posée sous ses yeux. Il est curé ; sa bible devient une bible de post-it bien collés… Il est facteur ; l’adresse sur son enveloppe comporte les premiers mots de sa phrase. Bref, vous avez compris.
Cela demande un peu d’organisation mais peut vous sauver de situations délicates.
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5. Aucune aide du tout
En quoi est-ce une solution? me direz-vous.
Aucune aide du tout, ce n’est pas “abandonner” les comédiens. C’est les avoir préparés à toute éventualité.
En particulier si vous êtes professeur de théâtre, vos élèves doivent avoir compris le mécanisme de sortie d’un “blanc”. Un trou de mémoire, c’est angoissant ! Pour l’acteur concerné, bien sûr, mais également pour ses condisciples sur scène, pour le public car cela passe rarement inaperçu, etc. Angoissant, mais pas insurmontable.
Une bonne connaissance du texte permettra au comédien-victime de se rattraper. Si ce n’est lui, quelqu’un d’autre sur scène l’aidera à le faire.
La bonne connaissance dont je parle ici, ce n’est pas seulement le fait de pouvoir réciter un texte dans l’ordre, c’est aussi, par exemple :
- pouvoir s’arrêter n’importe où et reprendre comme si de rien n’était (on peut expérimenter ça en cours ou en répétition, grâce aux sonneries de téléphone ou aux visites impromptues de collègues)
- être capable de visualiser la page sur laquelle on se trouve dans le texte (à cet effet, les marqueurs de couleur peuvent être utiles, notamment pour délimiter haut, milieu et bas de page.
“Aucune aide du tout”, si les performeurs sont au courant, peut devenir un excitant challenge ! Vous baserez vos cours sur le domaine passionnant du “comment apprendre efficacement”, qui est utile tout au long de la vie de chacun.
Si vous optez pour cette option, je vous conseille de ne RIEN prévoir du tout comme sécurité. C’est extrême, oui, mais dites-vous que plus vous “envisagez” sérieusement la catastrophe, plus il y a de risques que vous provoquiez vous-même le souci, en véhiculant l’idée dans la tête de vos élèves.
En conclusion, je voudrais quand même dédramatiser un peu le sujet en vous rappelant quelque chose que vous ne pourrez pas toujours dire aux étudiants avant que le spectacle ne soit passé : l’échec est le meilleur apprentissage. Le trou de mémoire, le “blanc”, apprend beaucoup de choses : la détermination de mieux travailler la mémoire la prochaine fois ; les réflexes nécessaires pour s’en sortir ; la solidarité entre comédiens au profit du spectacle ; l’humilité.
Certaines personnes vont d’ailleurs au théâtre POUR les trous de mémoire, ou la fragilité de l’être humain devant la présentation “sur un fil” d’un tel boulot !
Reste à convaincre les parents de ne pas “détruire” cet état d’esprit positif dans la tête de vos élèves, ce qui est malheureusement souvent le cas dans les arts et l’apprentissage en général.
Allez, à la prochaine !
Sébastien
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Crédits photos :
1 : Dirk Schaefer
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4 : Tom Brogan
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