Madame Lachapelle enseigne dans une école de Liège, en Belgique. Elle a un caractère bien trempé et une sympathie très cash. C’était un plaisir de démarrer ma série d’interviews (c’est la toute première de ce blog!) avec elle. Ma phrase préférée est dans le titre. En fin d’article, je résume les points forts de l’interview.
Bonjour, c’est parti. On peut se tutoyer ?
Oui !
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Marie-Claire Lachapelle, je donne cours en première primaire. (ndlr : correspond au CP en France, les enfants ont 6 ans).
Quel est ton spectacle de cette année ?
Une danse sur une chanson de Bruno Mars… dont j’ai oublié le titre !
Les autres classes présentent aussi une danse ?
Ça dépend. Certains font une chorale, d’autres font de petites mises en scène avec des sketches, ça dépend des groupes.
On a déjà eu des extraits de musiques de film, où le côté théâtral joue plus que la danse.
Pourquoi tu as choisi une danse ?
Avec les petits, c’est ce qui marche le mieux. Si c’est du théâtre, ils doivent parler et personne n’écoute dans la salle ! Mise en scène, pas toujours évident … Et j’ai choisi une musique moderne, entraînante donc ça passe toujours bien.
En fait, dès que ça bouge, ça passe même si les pas ne sont pas parfaits. Tandis que si tu veux jouer sur quelque chose de plus élaboré, avec des premières, ça ne marche pas.
C’est une grande salle ?
Oui. La salle de gym !
Une seule danse par classe, ça suffit pour le spectacle ?
Oui, on commence vers 14h et ça dure jusque 16h. Ensuite, un entracte et ça enchaîne avec les maternelles. Ça s’arrête quand même vers 17h30 !
Toutes les classes passent sur scène le même jour ?
Toutes les classes, oui.
Combien de classes en tout ?
De la première à la sixième, il y a onze classes. Puis, les maternelles, six classes.
J’imagine que ce n’est pas le même public pour les primaires et maternelles…
On espère quand même que oui, quand il y a des petits frères et des petites sœurs. Les parents qui n’ont pas de « petits » ont tendance à partir quand même à l’entracte.
Ce qui est peut-être bien pour ne pas surcharger la salle ?
Ça se pourrait, oui. Le fait de le faire en deux fois permet d’ailleurs aussi d’avoir quelque chose de plus court pour les maternelles. On ne peut pas les faire passer entre les classes de primaire dans le même spectacle qui durerait trop longtemps pour eux.
Ça se passe un jour de semaine ?
Non, un samedi. Mais les petits font la sieste avant d’arriver sur scène, c’est pour ça que les institutrices commencent avec eux après 16h30.
Y a-t-il plusieurs spectacles par an dans l’école ?
Oui. Bon, il y a une petite chorale de Noël avec plusieurs classes. Pas toujours toutes les classes, ça dépend d’une fois à l’autre. Comme on fait un marché de Noël, on fait un petit chant.
« Les lutins de Noëëëël… »
Tu as beaucoup d’élèves musulmans. Comment réagissent les parents à un spectacle de Noël ?
Eh bien, on ne parle pas de Jésus Christ. C’est quand même une fête ! Pas de bricolage avec des anges et cetera et pas de souci. Puis, personne n’est obligé de venir.
Pour revenir à ta danse sur Bruno Mars : tu es danseuse toi-même ? Comment tu organises ça ?
J’ai fait beaucoup de danse quand j’étais jeune. J’ai un petit bagage à ce niveau-là. Je fais de la zumba… Au niveau, chorégraphie et déplacement, j’ai quand même été beaucoup inspirée.
Tu arrives à varier chaque année ?
Oui, j’adore ça ! C’est comme une chorale. J’ai fait aussi du chant et j’ai suivi le cours de chorale, donc j’arrive à faire une belle chorale dans l’école.
Ça veut dire que tout ce qui est musical dans l’école passe par toi ?
C’est vrai que j’apporte souvent des chansons, mais surtout avec mes élèves à moi. Maintenant, j’ai déjà fait aussi des ateliers « musique » quand on organisait des ateliers pour les 5-8 ans.
Ça dépend toujours les collègues que tu as : certains n’aiment pas.
Comment organises-tu les répétitions ?
On fait ce qu’on peut. On n’a pas la salle de gym tout le temps donc pour l’espace, ce n’est pas évident. Ce que je fais d’abord, c’est travailler sur le rythme de la musique, pour qu’ils l’intègrent, en faisant des pas simples pour travailler sur la pulsation.
Ils intègrent petit à petit.
Donc, je commence par les pas, les déplacements, et quand ils ont plus ou moins intégré ça, je leur donne des « places », qu’ils intègrent aussi petit à petit, puis seulement j’ajoute les « mains ». Pas facile avec eux, ils sont petits !
Petit à petit, je complète mais ça dépend d’un public à l’autre. C’est plus facile de faire des chorégraphies avec des 3èmes/4èmes qu’avec des plus petits !
J’ai déjà fait, avec les petits, des petites mises en scène orientées « danse » avec beaucoup d’accessoires, pour que ce soit très visuel. Parce que c’est pas les ballets Rhéda quoi…
Tu répètes en classe alors ?
Oui. Évidemment, ça change tout pour eux quand on passe dans la salle puisqu’en classe, ils n’ont pas d’espace. Mais la salle est occupée toute la journée.
Y a-t-il un lien entre la chanson et les cours ?
Rien à voir, aucun lien.
Ça pourrait. Des années oui, des années non.
Par exemple, quand on a un thème sur la nature, l’environnement, alors on danse sur un chant qui parle des arbres…
Ici, j’avais envie de quelque chose qui bouge, qui les amuse. C’est au feeling.
Tu connais la traduction des paroles de ta chanson en anglais ?
Non. J’espère qu’il n’y a pas trop de grossièretés… En même temps, on n’a pas vraiment un public anglophone, ça va.
Qu’est-ce que tu aimes dans ce spectacle ?
Le fait que les parents viennent voir leurs enfants et sont contents. C’est très familial. C’est important pour eux. C’est une fête. C’est un peu la fête des parents, on a de la tarte, etc.
Tu parlais des thèmes, tout à l’heure. Quel genre de thèmes ?
Les années 80 par exemple. Ou des choses que j’ai faites avec eux. Une année, j’ai travaillé sur « Yaël », un spectacle de Christian Merveille. On avait écouté les chansons en classe et j’en avais repris une. C’est Annie Cordy qui chante. Comme Yaël est l’histoire d’un enfant dont les parents divorcent, on a pu vraiment parler des émotions, tout ça…
Et il vous arrive d’avoir des yeux extérieurs pour vous aider, vous apporter des commentaires constructifs ?
Pas tellement, à part le conseiller communal, Monsieur Hernandez, qui vient toujours nous voir. Il est très bien !
On a pas mal fait le tour ! Je te remercie !
De rien !
Qu’est-ce qu’on en retient ?
1. « En fait, dès que ça bouge, ça passe même si les pas ne sont pas parfaits »
Et c’est vrai que si la musique est entraînante, les parents dans la salle vont taper du pied, vont s’amuser aussi, et peut-être accorder moins d’importance à la perfection du geste sur scène.
2. « Le fait de le faire en deux fois permet d’ailleurs aussi d’avoir quelque chose de plus court pour les maternelles. »
On n’abuse pas de la concentration des tout-petits.
3. « Mais les petits font la sieste avant d’arriver sur scène«
Une bonne façon de recharger les batteries avant une entrée sur scène. On devrait tous faire ça 😉
4. « personne n’est obligé de venir«
On imagine difficilement un(e) instituteur(trice) obliger les enfants à participer au spectacle. En tant qu’enseignant moi-même, j’imagine aussi difficilement que ça ne fait pas un peu de peine à l’instit. si certains sont « empêchés » de le faire par leurs parents.
5. « J’ai fait beaucoup de danse quand j’étais jeune. »
Un avantage certain !
6. Une méthode simple pour apprendre une chorégraphie.
- Ce que je fais d’abord, c’est travailler sur le rythme de la musique, pour qu’ils l’intègrent, en faisant des pas simples pour travailler sur la pulsation. Donc, je commence par les pas, les déplacements,
- (…) et quand ils ont plus ou moins intégré ça, je leur donne des « places », qu’ils intègrent aussi petit à petit
- (…) puis seulement j’ajoute les « mains »
7. « J’ai déjà fait, avec les petits, des petites mises en scène orientées « danse » avec beaucoup d’accessoires, pour que ce soit très visuel. »
Il faut toujours « combler » les lacunes pour rendre le spectacle intéressant. Si votre classe n’est vraiment pas douée en danse, orientez l’oeil du public vers le visuel… Cette « tromperie » n’en est pas vraiment une : les grands spectacles fonctionnent pareil…
8. « on n’a pas vraiment un public anglophone, ça va.«
Ne vous tracassez pas toujours des paroles de vos chansons. Bon, faites quand même gaffe si vous entendez plusieurs « bombes en F » (fuck) et autres « crazy bitch ».
9. « C’est un peu la fête des parents«
Je trouve très intéressante cette vision renversée du spectacle. Madame Lachapelle prend le point de vue des parents, pour qui ce spectacle créé. Cela change-t-il votre perspective ?
10. »« Yaël », un spectacle de Christian Merveille »
Un livre dont je ferai très bientôt la chronique !
Également un thème intéressant à retenir : les parents qui divorcent et les émotions !
Et vous, partagez-vous les idées de Madame Lachapelle ?
Sébastien
Crédits photos
salle de gym : Fribul Architects
traduction inconnue : valentin.d
école communale : Alain Bachellier
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