Reparlons un moment de spectacle « scolaire », mais pas que.

J’ai eu la chance de suivre des étudiants du Conservatoire de Liège (Belgique) en décembre dernier, pour leur travail qui consistait à créer un spectacle avec des enfants d’une école maternelle/primaire de la région.

Le premier groupe d’étudiants s’occupait d’une classe de 3ème maternelle, et le second d’une classe de première primaire (ce qui correspond au CP en France).

Le pari des deux groupes était le même : en à peine 6 répétitions (6 interventions d’environ 1h dans les classes), créer un spectacle pour les fêtes. thème libre. L’intérêt pédagogique était évidemment requis puisque ces étudiants apprennent à devenir professeurs de musique.

De les avoir suivis et conseillés me permet de vous rappeler quelques points essentiels pour les spectacles d’enfants, bien que nous en ayons déjà vus certains dans les premiers articles de ce blog.

Rappelez-vous :

 

Alors, c’est parti : à quoi penser ?

1. L’échauffement

Si vous faites chanter vos enfants, c’est indispensable de les échauffer avant de répéter les chants, surtout si lesdites répétitions ont lieu le matin, quand les cordes vocales n’ont pas encore beaucoup travaillé.

Un bon échauffement doit permettre à la chanson qui va suivre d’être juste et ce sans forcer. Bien sûr, un peu de connaissances vocales de la part de l’intervenant sont préférables mais pas besoin d’être O.R.L. alors ne vous alarmez pas, vous pouvez tout à fait le faire. L’échauffement vocal peut être aussi simple que des « fusées » vocales, où la voix monte et descend en glissant ; aussi basique que des sons de la vie de tous les jours, tant que vous apprenez aux enfants trois choses essentielles :

  1. la différence entre utiliser les cordes vocales (en bruitant sur un « V » par exemple) et ne pas les utiliser (en bruitant sur un « F » par exemple).
  2. La différence entre crier et chanter. En général, pas besoin de leur expliquer grand chose de technique. Ils se rendent bien compte eux-mêmes.
  3. La différence entre utiliser la voix pour faire un « joli son » ou un « son qui fait mal ». Il y a toujours un ou deux enfants qui vont pincer très fort pour émettre le son le plus aigu possible. Expliquez simplement que les cordes vocales sont un muscle et qu’il peut se blesser. Comparez avec les biceps, ça marche toujours 😉

Nous verrons plus en détails quelques pratiques d’échauffements dans un futur article.

2. La précision dans le chant

Même si vous n’êtes pas chanteur, vous pouvez rendre l’apprentissage optimal en connaissant les chansons sur le bout des doigts. Evidemment, cela suppose que votre préparation soit tout à fait acquise.

Si la chanson est bien faite et adaptée à l’âge des enfants, vous n’aurez aucun souci à leur faire chanter toutes les notes correctement. Oubliez donc le good-enough, évitez d’être à-peu-prèstiste et soyez exigeants sur les notes dès le départ.

Refaites beaucoup le début des phrases ; isolez les passages compliqués ; chantez plus lentement avec eux ; arrêtez vous sur certaines notes ; demandez des alternances entre eux et vous, d’abord, entre eux et eux ensuite (plusieurs groupes); servez-vous de visuels pour la mémoire (icônes, dessins, gestes)…

C’est dès le début que l’apprentissage doit être exigeant. Si vous attendez trop longtemps avant de corriger quelque chose qui vous chiffonne, vous devrez peut-être abandonner votre idée. En effet, il sera bien plus compliqué et chronophage de modifier ce que les enfants ont appris que de prendre le temps au début pour obtenir ce que vous voulez. Prendre ce temps est donc toujours bénéficiable.

3. L’accompagnement live

Ce n’est bien sûr pas toujours possible, mais c’est non seulement un réel « plus » dans l’apprentissage des enfants (c’est humain, ça donne envie de pratiquer, ça illustre le côté artisanal de la musique qu’ils n’ont pas tous l’habitude de voir), mais c’est aussi une incroyable sécurité au moment de la représentation.

Un musicien (vous ?, une collègue ?, un ami ?) pourra rattraper les faux-pas, attendre quand il faut, habiller de musique les moments imprévus, etc.

Le plus souvent une guitare ou un petit piano électrique peuvent suffire. Je n’ai pas dit qu’il fallait absolument se passer de bandes-son. Pour les danses, c’est même parfois plus facile. Mais je suggère à chacun et chacune de vérifier toutes les possibilités d’avoir un musicien « live » qui accompagne les enfants. Si vous n’êtes pas musicien(ne) vous-même, faites passer le mot dans la salle des profs ou aux parents des élèves J Le bon collaborateur viendra à vous plus vite que vous ne le pensez.

4. Gagner du temps avec les positions au sol

Dans de nombreux cas de spectacles scolaires, les enfants sont en ligne sur la scène et présentent leurs chants/danses/textes sans aucune autre mise en place. Ils sont côtes à côtes et c’est bien comme ça.

La « ligne » de front est un effet parmi d’autres. Essayez un maximum de bousculer cette convention, au moins pour une partie du show.

« Oui mais les parents ne verront pas tout le monde, si je fais autrement ».

Non, ils ne verront pas tout le monde de la même façon tout le temps. Les parents, vous le savez mieux que personne si vous êtes prof, doivent aussi être éduqués. Certains ne sont jamais allés voir un spectacle de leur vie. C’est le moment de leur offrir une mini-mise en scène digne de ce nom, où les enfants peuvent

  • être en quinconce
  • être éparpillés sur scène
  • former un arc-de-cercle
  • former des lignes (seul le premier de la rangée est vu par le public, avant de changer de place)
  • ne pas être tous sur scène à tout instant.

Les étudiants de Liège avaient notamment prévu des cartons au sol avec les noms des élèves. Le rendu était très efficace pour une préparation minime, car tous les enfants reconnaissent vite leur carton et donc l’endroit où ils doivent aller. Si vous intervenez dans une classe qui n’est pas la vôtre, laissez les prénoms sur les cartons. Si vous connaissez les enfants, n’hésitez pas à mettre des numéros (surtout à partir de 7 ans). Ainsi, chaque petit pourra retenir 2 ou 3 chiffres dans l’ordre, qui correspondent aux différents cartons où il se placera durant le spectacle.

5. Rendez-les autonomes

Bien sûr, ce n’est pas toujours possible, surtout si, comme les étudiants que j’ai mentionnés, vous n’avez que 6 répétitions d’une heure à l’agenda. Mais le but devrait toujours être, déjà pour les enfants de 6 ans, de les laisser « se débrouiller tout seuls » sans personne devant.

Ce n’est évidemment pas tout à fait vrai. Vous allez les guider avec des repères auditifs (DING), visuels (), gestuels, etc. Votre but sera qu’ils ne se sentent jamais « seuls ».

Mais quoiqu’il arrive, une fois qu’ils ont compris ce que vous leur demandez en répétition, ne restez pas devant eux à faire le travail à leur place. Faites-leur associer la danse ou le chant que vous venez de voir à un événement, un son, un mot. Vous serez étonnés de tout ce que les enfants peuvent emmagasiner comme informations. Ceux qui sont plus lents dans le groupe seront relancés par les plus rapides, aucun souci : c’est aussi ça l’école et l’apprentissage. Pas de jugement de l’enfant plus lent ni de vous-mêmes.

Avec ces quelques astuces de mise en place, le résultat sera non seulement plus agréable pour le public de parents mais aussi bien plus intéressants pour le développement des enfants.

6. Le téléphone portable des parents

Enfin, soyez attentifs à la qualité d’écoute du spectateur. Si vous le pouvez, organisez la captation de tout le spectacle par un pro ou, le plus souvent, par un bon amateur faisant partie de l’école ou du groupe de parents. Insistez sur le fait de passer un moment tous ensemble et de le vivre à fond. Les téléphones qui filment la représentation isolent les parents, les font perdre l’essence du moment présent et en plus, ils dérangent tous les voisins. Tout le monde appréciera la démarche. Les plus accrocs ne vous écouteront peut-être pas mais tant pis pour eux. De toute façon, en faisant ces remarques en début de show, vous gagnerez l’approbation de certains parents qui, sans le vouloir, installeront une espèce de pression sur leurs pairs. Que ceux qui veulent vraiment leur vidéo perso subissent cette pression. Tant pis pour eux.

 

7. Conclusion

Eh bien voilà, nous avons donc revu 6 points importants du spectacle scolaire en nous intéressant à ce groupe d’étudiants liégeois. Si vous avez des questions ou des remarques, n’hésitez pas à poster un commentaire ! A bientôt, pour la reprise de Monter Un Spectacle 😉

 

 

 

 

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Crédit photos : fancy-fair, Fabrice Plas ; fille cirque, Jean-Marc Liotier ; pianiste, EaglebrookSchool ; spectacle de mode, JoeGoAukgoa