Madame Renard est institutrice dans une école de Liège, en Belgique. Elle a eu la chance d’accueillir un stagiaire en éducation physique qui s’est chargé de monter le spectacle de cette fin d’année avec ses élèves. Voici la deuxième interview de ce blog.

 

Tu peux te présenter pour nos lecteurs ?

Je suis Madame Renard et je suis institutrice titulaire de la deuxième année primaire.

Et donc tu as un stagiaire qui s’occupe du spectacle de cette année ?

Il est stagiaire en gymnastique. C’est un étudiant en éducation physique qui fait son travail de fin d’études sur le cirque. Donc il a testé avec mes élèves l’équilibre et la jonglerie.

Il est donc arrivé dans un cadre autre que celui du spectacle de fin d’année…

Oui oui, il est venu pour son travail de fin d’études, puisqu’il avait toute une série d’exercices à leur faire faire.

Il avait, au départ, six séances. Il testait (il leur faisait faire des exercices) au début puis il re-testait à la fin pour voir s’il y avait une évolution, voir à quoi ils étaient arrivés.

C’est lui qui a proposé de montrer aux parents à quoi ils étaient arrivés, dans le cadre du spectacle.

Quelle a été sa démarche à lui, pour en arriver là ?

Il est venu demander la permission en début d’année et les séances ont commencé il y a quelques mois. Les six séances se sont étalées avant et après les vacances de Pâques.

C’était suffisant, six séances ?

Eh bien, j’ai été étonnée !

Bon il est revenu, après les six séances qui étaient prévues. Il est venu la semaine dernière, il revient cette semaine et il devrait revenir la suivante (ndlr:  puisqu’au départ, les six séances n’avaient pas pour but de préparer une représentation).

Le jour de la répétition générale, en tout cas, il n’est pas là. Donc ce jour-là c’est la prof de gym et moi qui assurons… Je suis allée plusieurs fois assister à ce qu’il fait.

C’est sur de la musique ?

De la musique de fondu uniquement.

Tu veux dire qu’il n’y a pas de synchronisation ?

Non non. C’est juste pour qu’il y ait un bruit de fond.

Il y a des accessoires ?

Ils ont les accessoires fournis par le stagiaire, puisque lui fait ça en dehors de ce cadre. Il veut se perfectionner pour être formateur dans ce domaine du cirque.

Les élèves ne dressent pas de lions sur scène… Qu’est-ce qu’ils font ? Comment s’enchaînent-ils sur scène ?

Il s’est limité à l’équilibre et la jonglerie et alors ils viennent par petits groupes. Il y a six groupes de trois, à peu près.

Le premier groupe est aux bâtons du diable. Ils ont deux baguettes et une transversale. Ils se la passent; ils la font rouler vers eux; repartir… C’est pas mal !

baton-du-diable

(Ndlr : Le but de la discipline est de maintenir le bâton dans les airs en lui imprimant un mouvement à l’aide des baguettes tenues dans chaque main, et de lui faire parcourir des figures. https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A2ton_du_diable)

 

Le deuxième groupe fait de la jonglerie. A l’entraînement, ils ont commencé avec des foulards, avec des balles spéciales. Certains se débrouillaient très bien, même si on est encore en train de perfectionner. Par exemple, avec les balles, l’élève jongle avec deux balles et ce n’est pas très impressionnant, mais avec les foulards, il jongle avec trois.

Le troisième groupe fait du Rola Bola. Un morceau de tuyau, on met une planche dessus. Un pied de chaque côté et ça bouge.

rola-bola

Ce n’est pas trop dangereux ?

L’institutrice se tourne vers une élève :

« -Luna, c’est dangereux ? »

Luna fait non de la tête.

« Non hein, Luna fait ça comme un chef ! »

Ils ont des tapis de protection ?

Oui, ils ont un tapis en-dessous.

Alors, le quatrième groupe est aux assiettes chinoises, qu’ils font tourner.

« Comme les clowns ! » lance une élève.

assiettes-chinoises

Ils sont impressionnants.

Maé, qui est là, fait tourner son assiette, il la fait passer sur son doigt, il la remet sur le bâton, il la jette et la rattrape !

« J’ai presque touché le toit ! » s’écrie Maé, tout fier.

Tu n’as pas essayé avec les assiettes de maman, j’espère !

Non, ils ont essayé avec les assiettes Ikea qu’ils ont pour manger mais ça ne marche pas. Ils utilisent des assiettes spéciales, avec un renfoncement.

Le cinquième groupe est au pédalo. C’est un appareil avec deux pédales au ras du sol, deux roues. En gardant l’équilibre, ils avancent, ils reculent…

 

Le dernier groupe marche sur un tonneau.

Ils donc un gros tonneau à huile, ils montent dessus et traversent la scène en marche avant et marche arrière.

tonneau
Le spectacle de cette année, c’est donc un peu une démonstration de performances ?

Oui, c’est montrer aux parents ce qu’ils ont appris et ce qu’ils arrivent à faire.

Tu as souvent des stagiaires qui présentent des choses aux spectacles ?

Non, c’est vraiment exceptionnel.

C’est quand même génial, ça apporte de la variété sur scène ! Quelqu’un qui n’est pas formé et qui n’a pas le matériel ne peut pas monter ça avec ses élèves…

Oui, c’est vrai.

Maintenant la prof de gym est motivée pour l’année prochaine, réintégrer ces exercices dans son cours… mais elle s’entraîne avec eux 🙂 Elle n’est pas formée et n’as pas le matériel.

D’habitude, la prof de gym crée des numéros pour le spectacle ?

C’est déjà arrivé qu’elle fasse des choses avec moi, oui.

Et comme cette fois c’est du cirque dans ta classe, que fais-tu les autres années ?

D’habitude, je fais une danse.

Et comment choisis-tu la musique ?

(rires) Comme je ne suis pas très douée…

« Oui c’est vrai ! Vous êtes du tout pas très douée » dit une élève avec un grand sourire.

« -Comment tu sais ? » demande la prof à son élève de deuxième année. « Ce n’était pas moi l’année dernière ! »

Je n’ai jamais fait de danse, je chante faux comme une casserole, je n’ai pas le sens du rythme.

Comment on fait, alors dans ce cas ?

Eh bien on se débrouille, on fait ce qu’on peut ! (rires)

En général, j’essaie d’avoir une musique dont je peux moi-même ressentir le rythme mais c’est leur choix qui prime. Quand on choisit quelque chose qu’ils aiment, ils sont beaucoup plus motivés.

Tu leur demandes leurs souhaits…

Ils émettent toujours des idées.

« Kendji Girac » crie une élève.
Maître Gims, ajoute Madame Renard.

L’année dernière c’était « Sur Ma Route » de Black M.

Si on impose notre choix à nous, avec notre vision d’adulte…on rame. Ça fait plusieurs années que j’ai pris comme principe que le choix vienne d’eux.

Toi tu fais attention aux paroles ?

On essaie qu’il n’y ait pas trop de grossièretés mais bon, ce n’est pas évident.

(Ndlr : la seule phrase qu’on peut considérer comme une grossièreté dans la chanson « sur ma route » est J’étais têtu, rien à foutre)

Comment tu organises les répétitions ?

Les répétitions c’est…essayer de trouver des gestes répétitifs, qui ne soient pas trop compliqués pour eux. En vingt-trois ans, j’ai fait vingt-trois spectacles et c’étaient vingt-trois différents. Il y a des années où ça marche mieux, des années où ça marche moins bien…

Tu as aussi des classes de première année, parfois… Vois-tu une grande différence entre première et deuxième ?

Non, pas vraiment, ça dépend des groupes.

C’est toujours plus facile quand, en deuxième année, plusieurs filles vont à des cours de danse. Elles amènent des suggestions. « On pourrait faire ci, on pourrait ça ».

Il y a quatre ans, je crois, c’est mon fils qui m’avait aidé. On avait cherché un clip sur youtube et on avait réussi à « compter », en observant les gestes sur la musique et il m’avait fixé les gestes en partant de ce qu’ils faisaient sur la vidéo, alors là c’était plus facile. « On fait 8 fois ça, puis 8 fois ça, … »

Alors, sur le clip, on rate parfois des morceaux de chorégraphie donc on avait bouché les trous et ajouté des gestes là où il fallait.

 

Tu trouves l’inspiration sur youtube alors. Dans des spectacles scolaires filmés aussi ?

Non, non. Ce que j’ai déjà fait c’est que… Ma petite voisine allait dans une école de danse. Il m’est arrivé d’aller au spectacle et de prendre des idées.

Il faut bien les trouver quelque part !

J’essaie aussi d’amener une unité dans les costumes, parce que j’ai constaté que ça faisait une vraie différence.

Ici, les filles sont en leggings, les garçons en shorts noirs et j’ai demandé un code couleur avec des tee-shirts unis. On essaie que ça ne coûte pas aux parents.

Une année, sur une musique très saccadée qui était à la mode à l’époque, je leur avais demandé des tee-shirts blancs et on les avait peints à la bombe. On avait bombé les cheveux aussi avec des spray pour les cheveux.

bombe-spray-couleur

Une année, c’était sur Madonna et ils étaient en joueurs de foot américain. (Ndlr : probablement sur le titre Give Me All Your Luvin’). Les filles étaient en pom-pom girls et les garçons en joueurs de foot : en fait, ils étaient en tee-shirt et on avait mis des épaulettes à l’intérieur. Mon mari avait fait des numéros à la toile isolante, qu’on avait collés dans leur dos.

 

Est-ce que les élèves aiment bien les dualités filles-garçons dans les spectacles ?

Ils sont toujours plus embêtés quand on leur demande de danser filles-garçons ensemble. Pour ça, ils sont en général assez réticents.

Vas-tu chercher à t’entourer à nouveau de stagiaires pour les futurs spectacles ?

Cette année, c’est super mais ce n’est pas évident d’avoir un étudiant en fin d’études qui fait son travail sur un thème approprié. C’est la prof de gym qui a donc accepté ce projet parmi les stagiaires qu’elle reçoit.

Mes stagiaires à moi arrivent toujours au moment de la Saint-Nicolas (ndlr : fête des écoliers notamment en Belgique, le 6 décembre) donc ils ne s’investissent pas pour les événements de fin d’année scolaire.

 

On en retient quoi ?

  1. Avoir un stagiaire spécialisé est une opportunité rêvée pour varier les spectacles. S’ils ne viennent pas tout faire, ils peuvent au moins vous aider à monter les numéros. Essayez d’entrer en contact avec une école artistique/sportive de votre choix pour favoriser ce genre de rencontres. 
  2. Vous n’êtes pas danseur du tout mais la tradition ou l’acoustique de la salle vous obligent à présenter une danse ? N’hésitez pas à aller chercher l’inspiration sur youtube ou, mieux, aux spectacles de danse de vos neveux/nièces/cousines/voisines/etc. 
  3. Partez de la préférence des enfants, qui seront plus motivés pour répéter sur des chansons qu’ils connaissent. 
  4. Favorisez les costumes qui créent un visuel « de groupe » en achetant des sprays de couleur, par exemple. 
  5. Embarquez votre fils, votre mari, votre famille et vos amis dans l’aventure. Ils prendront peut-être plus de plaisir que vous ne l’imaginez à …
    1. vous aider à faire une liste de gestes à partir d’une vidéo youtube;
    2. vous assister dans la création des costumes
    3. toute autre tâche pour laquelle vous vous sentez moins à l’aise

 

Et vous, ça vous donne des idées ?

Sébastien

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Bâtons du diable : seniwati
Rola Bola : hbp_pix
Assiettes Chinoises : Melissa
Tonneau : Sander Spolspoel
Bombes de couleur : Victoria Pickering